Nous avons tous chez nous une bibliothèque, qui répond rarement aux règles appliquées dans les bibliothèques publiques. On peut même dire que c’est généralement le foutoir.
Or, foutoir ou non, il arrive toujours un moment où il faut bien qu’on y trouve ce qu’on y cherche. Les classements les plus fantaisistes et les plus rigoureux finissent toujours par se rejoindre dans le pire classement qui soit ( et c’est pourquoi tout le monde l’adopte), le classement alphabétique qui demande de faire appel au moyen d’accès le plus fragile qui soit à la disposition de l’homme, je veux dire : la mémoire.
Car savoir ce qu’on cherche, c’est bien ; s’en souvenir c’est encore mieux.
Or, qui peut affirmer qu’il ne s’est jamais trouvé devant un fichier ou devant un rayonnage, en se demandant ce qu’il foutait là ?
L’âge venant, je me suis aperçu comme tout le monde que je perdais la mémoire des noms.
J’ai donc été contraint d’adopter un procédé personnel pour accéder aux noms des auteurs que je recherchais. Il s’agit, tout simplement, de traiter les noms propres comme des hot-dogs. : j’introduis à chaud dans chaque nom propre une courte phrase qui est sa saucisse de Francfort.
Par exemple : pour Victor Hugo, j’introduis entre le Hu et le Go une phrase telle que ce nom devienne :
« Hue, cocotte, cesse d’avancer comme un escar Go ».
En voici donc quelques exemples recueillis dans ma bibliothèque par ordre alphabétique naturellement :
Guillaume qui depuis toujours m’a poli les nerfs
Louis, quand on le traite d’ara il sort de ses gonds.
Antonin pour qui l’art-thérapie de Ferdière n’était pas du gâteau.
Dominique O, dont l’histoire était si connue qu’aujourd’hui encore on en rit
Marcel, et la Vouivre au printemps, en mars, avril, mai
Georges, marchons, marchons, bataille aux nerfs
Simone. Deux bonnets de coton et un joli bavoir
Samuel pissant dans le bénitier tandis que l’abbé quête
François bille en tête et comme l’agneau doux
Maurice blanc comme les cheveux du vieillard assis sous un sapin
Antoine blond comme un verre de vin blanc sur une table de jardin
Yves dont la bonne essuie le sang sur le piano la nuit pour la première fois
André qui n’est heureusement pas ministre, né à Tinchebray dans l’Orne quoique breton
Albert Cas particulier d’une voix qui étrangement mue
Louis-Ferdinand. C’est le livre qu’on emporte mais sous une reliure de percaline
Blaise. Cent chevaux et même davantage d’race
René (sans charre)
Paul Clos comme une huître muette mais qui tient la chandelle
Jean Coq il lui est arrivé souvent de chanter trop tôt
Cocorico poulette
René Dos tourné au mont Analogue ne fait jamais de mal
Robert dont le Dé n’abolira jamais le hasard le soir de ses noces
Pierre, Drille qui n’avait d’yeux que pour les fille de la Rochelle
Maurice dru comme à Gravelotte en attendant Mac-Mahon
Isidore, du plus haut qu’il tombe, l’aphorisme jamais ne casse
Marguerite dure encore à Montparnasse
Paul est lu mais généralement assez tard !
André J’y vais souvent mais je reviens toujours à vide
Jean Gire le plus souvent de l’amer au doux
Eugène au guilledou civique
Eugène Io buvant du lait d’anesse dans une noix de coco
Max jacasse comme si l’on écrasait la queue d’un cobaye
Marcel joue en face et en dos
Joseph, voyez caisse et vaisselle
Valéry du lard ou du cochon mais surtout du beau
Paul, léopard de banlieue qui veille tard et se lève tôt
Michel l’air de l’arène est celui du roi d’Ys
François qui mord la fesse des démoniaques
Henri mi-chevelu, mi-chauve
Paul n’est pas si modeste qu’il reste à son rang
Jean polissant un amour assez lent
Gabriel pomme de rainette et peau d’hareng
Jacques pré fauché repoussera vert
Raymond que je dois avoir rencontré dans un théâtre nô
Arthur, rinceur de poupe et légèrement cabot
Raymond dont la roulotte transporta la gloire universelle
Antoine de Saint-Exupère, moine pratiquant la lévitation dans les rues de Paris
Paul valet de l’Académie, à l’aise en librairie
Boris vit au-dessus du Moulin-Rouge où l’âne fait « hi-han »
…Il ne suffit plus maintenant que de les apprendre par cœur.