Cités de mémoire

Ulud

Vingt-quatre heures de navigation plus tard, nous avons atteint l’archipel d’Ulud. Non sans nous sentir indisposés, car la mer avait été grosse. Mais nous fumes accueillis comme des princes, et nous avons bu la liqueur d’atripèle avec les chefs tribaux des cinq volcans.

On peut rejoindre à pied chaque atoll de l’archipel. Des gués de corail couvert de sable blanc serpentent entre les eaux bleues. Le peuple uludi vit de la pêche et de la cueillette, mais la nature est ici généreuse et jamais il ne connaît la faim. Les enfants jouent en toute liberté, choyés de tous, ignorant souvent même qui est leur mère.

Il règne sur les îles d’Uludi une coutume étrange : les Dieux y refusent aux hommes comme aux femmes le droit de connaître le plaisir physique par deux fois avec le même partenaire. Aussi les couples se font et se défont presque aussitôt, et chacun cherche d’atoll en atoll un nouveau compagnon de couche. Il arrive parfois, après tant de corps et de visages, que l’on ne se souvienne plus. L’accouplement est alors autorisé, car les Dieux, sans doute, ont aussi oublié.

Nous avons toutefois rencontré certains couples, dont on raconte qu’ils sont unis depuis des années. C’est qu’ils vivent dans l’abstinence totale, ou, plus souvent encore, qu’ils simulent l’un comme l’autre, pendant l’acte, un absolu déplaisir sexuel.

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Dessin de  Xavier Gorce

Lire la critique de Jacques Drillon dans le Nouvel Observateur