L’Académie des sciences et la Commune de Paris Michèle Audin

Michèle Audin

Mais c’était juin 1871, j’étais à Berlin, nous attendions des nouvelles d’Aniouta, dans l’angoisse, la vie continuait, j’étudiais l’équation de la chaleur, je commençais à bien connaître les fonctions hyperelliptiques, après avoir incendié l’ancienne bibliothèque en août 1870, on s’occupait d’un appel à dons pour la bibliothèque de la nouvelle Hochschule zu Strassburg, je lisais Laplace et pensais aux anneaux de Saturne.

 


Paris est délivré. L’ordre, le travail et la sécurité vont renaître.

On peut commencer à écrire l’histoire.

Le lundi 5 juin 1871, on avait préparé une feuille de présence qui avait d’abord porté la date du « samedi 4 juin », date que l’on avait biffée pour la remplacer par une date existante et adaptée, qui disait être la liste de « MM. les membres de l’Académie des Beaux-Arts soussignés », ce qui n’avait pas été corrigé, peut-être cette feuille avait-elle été préparée pour une réunion de l’Académie des Beaux-Arts qui ne s’était pas tenue ; on avait tracé les habituelles lignes parallèles et perpendiculaires, à des distances telles qu’elles entouraient vingt-quatre cases, que signèrent vingt-quatre des académiciens présents, Charles Delaunay, Auguste Trécul, Charles Sainte-Claire Deville, Joseph Bertrand, peut-être Victor Naudin, Hervé Faye, Henri Milne-Edwards, Léonce Élie de Beaumont, Alexandre Bussy, Michel Chasles, Joseph Decaisne, Claude Gay, Auguste Daubrée, peut-être Edmond Jurien de la Gravière, Gabriel Delafosse, Joseph Serret, Charles Robin, Charles-Émile Blanchard, une signature illisible, François-Désiré Roulin, Irénée-Jules Bienaymé, Adolphe Wurtz, Pierre Duchartre, Armand de Quatrefages de Bréau, puis on tourna la page pour que puissent signer aussi Antoine-Jérôme Balard, Louis Mathieu, Auguste Cahours, Urbain Le Verrier, Henri Saine-Claire Deville, Edmond Pâris, une autre signature illisible, Antoine Yvon Villarceau, Jules Jamin, ce qu’ils firent.

Dans la salle des séances, au fauteuil, Faye déclara la séance ouverte, puis s’exprima sur son absence des lundis précédents comme on a vu, suivi d’Élie de Beaumont qui parla de son collègue Dumas comme on a vu aussi, Delaunay décrivit ce qui s’était passé à l’Observatoire pendant la semaine sanglante, l’auteur de la communication sur la baleine des Basques trois mois plus tôt fournit cette fois un texte long sur l’anatomie des cétacés et l’urgence qu’il y avait, pour le muséum à se procurer un squelette de baleine franche, le dénommé Zaliwski, décidément fort présent, lut encore une note sur les corps flottants, Decaisne, un autre Decaisne, mais le même E. Decaisne qui avait parlé de nostalgie en avril et de la température de l’enfant malade le 1er mai, lut une note contenant quelques réflexions sur trois causes de suicide qu’il avait prévu de lire le 22 mai, à l’heure même, pour ainsi dire, où l’armée française entrait dans Paris, fut-il précisé, ce qui n’était exact qu’à vingt-quatre heures près, toujours est-il qu’il s’inquiétait de l’énorme taux de suicide (un suicide pour soixante-douze morts à Paris, ceci sans compter la semaine sanglante, bien entendu, dont un des effets secondaires fut de faire baisser considérablement ce taux) et discutait ces trois causes de suicide que sont l’influence des passions politiques et de l’esprit démocratique, l’affaiblissement des idées religieuses et l’alcoolisme, on présenta un mémoire sur les effets funestes de l’acide phénique dans le traitement des maladies épidémiques qui contredisait des travaux antérieurs de Faye et de Dumas, on annonça qu’avait été reçu un atlas d’anatomie pathologique, pour le concours des prix de médecine, ainsi, pour le même prix, qu’un mémoire anonyme, contenu dans un pli cacheté, avec pour devise « le meilleur remède à opposer à la variole est la variole elle-même », il y eut peut-être un peu d’inattention et de bavardages ici ou là, peut-être Michel Chasles réussit-il à dire à son voisin que les points de concours des côtés opposés étaient en ligne droite, quelques remarques étaient arrivées, de Charleston, sur l’analyse indéterminée du premier et du deuxième degré, on prorogea, du 1er juin au 1er août, la clôture des concours, le chimiste Edme-Jules Maumené, spécialiste du sucre, se plaça dans la liste des candidats au fauteuil d’Anselme Payen, Faye transmit une note qui proposait de mesurer le magnétisme en unités mécaniques très supérieures au Gauss, on eut droit aussi à trois notes d’un même auteur, l’une sur le sélénium, la deuxième sur le nouveau feu liquide, la troisième sur la dynamite, Robin présenta une note sur les espèces asines du genres equus, il restait à apprendre que l’on pouvait sans doute traiter la peste bovine par les oxydes et les sels de cuivre et à écouter Chasles présenter l’opuscule d’un collègue italien sur la division de l’angle, une généralisation de la trissection par hyperbole équilatère. La séance fut levée à cinq heures et demie.



Juin à Paris. La Seine, qui ne charrie plus le sang de mai. Les arbres en feuilles. Le quai Conti, la coupole au centre, face à la cour carrée du Louvre, la façade en demi-cercles, les pavés.

Donc, etc.




 
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(car ce n’est pas tout à fait terminé)

Couverture : Biographie de Sophie Kovalewski
par Anne-Charlotte Leffler
portrait de Sofia Kovalevskaya
dans la sextine de l’introduction



 
La figure du 5 juin :



Donc K $\in$ C T, c’est-à-dire C D. Donc K = M.

Dans ce chapitre on apprend que la mystérieuse narratrice que représentait le point M n’est autre que Sofia Kovalevskaya, que représente le point K, K = M, donc.