Les détritus industriels fournissent, dans leur accumulation, une photographie de la ville et de son temps. Ces objets sans valeur constituent une facette dérisoire de la vie. Ils ont une histoire, courte, commune, dans les deux acceptions de ce terme. Ils disent ce qu’ils disent et rien d’autre, comme la poésie dit ce qu’elle dit.
Ces bribes du quotidien sont un hommage à Kurt Schwitters (1887-1948), artiste dadaïste allemand, maître du collage. L’art Merz, qu’il inventa, est né d’un détritus, fragment du mot Kommerz (de Kommerz Bank), mais aussi du mot ausmerzen, détruire, supprimer.
NEUF - la quantité d’objets retenus, suffisante pour formuler le projet - est un nombre qui s’est imposé de lui-même, avec le titre de la collection.
Lorsque je m’ouvris de ce work in progress à l’Oulipo, Paul Fournel me rappela que Georges Perec, peu avant sa disparition, recueillait un « herbier des villes ». L’axiome « Georges y avait pensé » se vérifiait une fois de plus. L’Oulipo ne s’interdisant jamais de reprendre une idée pour la faire sienne, cela ne m’arrêta pas.
Sur le projet de GP, je sais peu de choses. Selon Domenico d’Oria, de l’Oplepo, Perec s’attachait surtout aux végétaux, et peu aux déchets.
Chaque objet est accompagné d’une étiquette d’« urbier », d’herbier urbain. Etiquette pseudo-érudite, obéissant aux règles de constitution d’un herbier. Devant l’abondance de la moisson, j’ai préféré le banal à l’exotisme, et l’éclectisme à l’exhaustivité.
Pour chacun d’eux, un haïku a été composé. Cette poésie d’origine japonaise, soumise au rythme syllabique 5-7-5, a vu sa forme brisée par la mise en page, proche du poème dada.
Le haïku, forme comprimée s’il en est, m’a semblé propre à rendre compte de ces déchets abandonnés et piétinés.
Enfin, j’habite (depuis peu) rue Lamarck, naturaliste (1744-1829), dont l’herbier a été racheté par le Museum en 1886 et est conservé à l’Herbier National.
J’ai eu conscience que cet élément d’ordre immobilier n’aurait pu suffire à justifier le projet.
Voir un des « neufs objets pas neufs »
Exposition Oulipo à la galerie Martine Aboucaya
5 rue sainte anastase
F-75003 paris
tel +331 42 76 92 75