BLAISE CENDRARS
A E I B C D L N R S
Naissance en 1887.
Il se désire libre.
Lire, lire, relire, lire sans cesse.
Il rallie les canailles, il rallie les caïds, il rallie les barbares derrière des candélabres délabrés.
Il descend des bières dans les bars. Blaise babille. Blaise s’encanaille dans ces bars.
Rails. Les rails. Caracas. Le rail accélère. Bali. Le rail. Blaise a décidé de se balader. D’errer, car il a l’errance aisée. D’aller ici, d’aller là. Balade, dédale. Blaise sans adresse. Blaise l’insaisissable. Blaise sans esclandre ni scandale. Blaise sans cédille. Barda nain, caisse à lire, ça ira bien.
Déclic : il désire écrire. La balade crée le lai. La balade crée la ballade.
Là-bas. Blaise de-ci, de-là. Blaise là-bas.
Blaise casse les barrières, brise les cadenas, brise les cases : il libère ses ailes.
Blaise libère la Sibérie. Il la décline en ses rails, en ses rails débridés, en ses rails insensés. Le rail lisse scande la Sibérie. Le rail berce Cendrars. Dans ses ballades, Blaise crée des cadences. Cendrars berce la Sibérie.
Briscard en 1914. Blessé en 1915 : Blaise sans bras. Il délire. Aliéné, le bras d’écrire. Décrié, le bras d’écrire. Ce diable de Blaise écrira sans ce bras. Le bras allié écrira. Il écrira les dédicaces de ce bras allié, car le bras balle.
Il écrira ces années, il décrira ces années de délire, ces années d’incendie.
Le banal l’accable, il s’en débarrasse. Le blasé l’accable, il s’en débarrasse.
Il désire décrire les barbares, les cannibales, les Islandais. Il désire les îles. Il désire les elles. Il désire décrire les Brésiliens, car le Brésil l’éclaire. Les Brésiliennes si belles. Les décibels de ce Brésil. De si belles Brésiliennes. Des reines… Des reines rabelaisiennes ! Il les caresse de ses baisers, de ses câlins. Blaise désire les nanas en bas résille, les reins brésiliens, les seins brésiliens, les bassins brésiliens… Le Brésil éclaire Blaise. Blaise câline le Brésil. Il blaise. Il braise. Braise il.
Il cesse d’écrire des ballades.
Il désire écrire… des salades ! Écrire des salades à l’encre cinabre. Écrire des éclairs. Dire, rire, écrire. Dire le réel, dire l’irréel !
Le rail, l’ancre. La cabine, l’encre. Écrire dans sa cabine. Cabine de bac. Cabine de baleinière. Cabine de nacelle. Blaise dessine des cercles. La nacelle berce Cendrars.
Ne rien craindre.
Cendrars : l’encre sans ancre.
Il désire la nacre, la calebasse.
Il délaisse les escadrilles. Il désire les escarbilles.
Il désire le calice. Il délaisse les banderilles.
Il caresse les arbres, il caresse l’ébène, il caresse l’érable. Il délaisse la carabine.
Il essaie Dada. Il délaisse Dada. Il délaisse les clans.
Il désire les clairières, les arbres. Les Ardennes. Il délaisse le sabre. Il délaisse les balles.
Il désire le rire. Il désire l’airain.
Il désire la bibine.
La bibine le déride. La bière le libère. La bibine libère le blair de Blaise.
L’encre l’ancre. Il délibère à l’encre. L’encre brille dans l’escarcelle. Il ébarbe l’aride, il descelle le lisse. Il caresse l’encre idéale. Là, il accède à l’indicible.
Il dîne de sardines dans les sables arides.
Il laisse la dinde se dandiner dans le bac à sable, la canard cancaner dans la brise, le cabri se cabrer dans la clairière, la caille s’écailler dans le nid, l’abeille babiller dans les blés, la brebis se délasser dans les sables berbères, la baleine brailler dans le bas de laine des anses salines, l’âne braire, le crabe crier dans le sel blanc, la sardine dîner, la rascasse se casser dans le sable, l’ara braillard brailler dans les arbres brésiliens.
Il ne cesse d’écrire. Rebelle, il lance des cris. Il ne cesse d’écrire des essais, de décrire sa carrière, de décrire ses errances, ses balades, ses allées. Il ne cesse de décrire, de narrer, de ressasser les années incarnées de ce siècle. Il crée. Il a le babil clair. De ses dires, il déride les siens. Blaise, l’encre incarnée. Blaise, l’air candide. Blaise, le barde balaise. Blaise, le barde rare. Si rare.
Écrire, écrire des bribes…
Là, il a des rides. Derniers rires.
Râblé, Blaise descend l’ancre.
Braises cendres.
Braises, cendres calcinées. Brindilles indiscernables.
Le sable crisse.
À l’aide ! À l’aide !
Abracadabra, Blaise déraille, Blaise décanille !
Brasier résilié. Ciel incendié, ciel bas, arc en ciel blanc : le crâne de Blaise s’incline. Dernier air.
Le clébard de Blaise braille.
Dernière brise de Blaise : sa narine renie les essences.
Décès en 1961. Carcasse. Des cendres. Blaise descendre.
À l’aise, Blaise. En bière.
À sec, l’encrier.
Silence.
L’inaliénable sabir de Cendrars. L’inébranlable sabir de Cendrars. L’inénarrable sabir de Cendrars.
A E I B C D L N R S
Naissance en 1887.
Il se désire libre.
Lire, lire, relire, lire sans cesse.
Il rallie les canailles, il rallie les caïds, il rallie les barbares derrière des candélabres délabrés.
Il descend des bières dans les bars. Blaise babille. Blaise s’encanaille dans ces bars.
Rails. Les rails. Caracas. Le rail accélère. Bali. Le rail. Blaise a décidé de se balader. D’errer, car il a l’errance aisée. D’aller ici, d’aller là. Balade, dédale. Blaise sans adresse. Blaise l’insaisissable. Blaise sans esclandre ni scandale. Blaise sans cédille. Barda nain, caisse à lire, ça ira bien.
Déclic : il désire écrire. La balade crée le lai. La balade crée la ballade.
Là-bas. Blaise de-ci, de-là. Blaise là-bas.
Blaise casse les barrières, brise les cadenas, brise les cases : il libère ses ailes.
Blaise libère la Sibérie. Il la décline en ses rails, en ses rails débridés, en ses rails insensés. Le rail lisse scande la Sibérie. Le rail berce Cendrars. Dans ses ballades, Blaise crée des cadences. Cendrars berce la Sibérie.
Briscard en 1914. Blessé en 1915 : Blaise sans bras. Il délire. Aliéné, le bras d’écrire. Décrié, le bras d’écrire. Ce diable de Blaise écrira sans ce bras. Le bras allié écrira. Il écrira les dédicaces de ce bras allié, car le bras balle.
Il écrira ces années, il décrira ces années de délire, ces années d’incendie.
Le banal l’accable, il s’en débarrasse. Le blasé l’accable, il s’en débarrasse.
Il désire décrire les barbares, les cannibales, les Islandais. Il désire les îles. Il désire les elles. Il désire décrire les Brésiliens, car le Brésil l’éclaire. Les Brésiliennes si belles. Les décibels de ce Brésil. De si belles Brésiliennes. Des reines… Des reines rabelaisiennes ! Il les caresse de ses baisers, de ses câlins. Blaise désire les nanas en bas résille, les reins brésiliens, les seins brésiliens, les bassins brésiliens… Le Brésil éclaire Blaise. Blaise câline le Brésil. Il blaise. Il braise. Braise il.
Il cesse d’écrire des ballades.
Il désire écrire… des salades ! Écrire des salades à l’encre cinabre. Écrire des éclairs. Dire, rire, écrire. Dire le réel, dire l’irréel !
Le rail, l’ancre. La cabine, l’encre. Écrire dans sa cabine. Cabine de bac. Cabine de baleinière. Cabine de nacelle. Blaise dessine des cercles. La nacelle berce Cendrars.
Ne rien craindre.
Cendrars : l’encre sans ancre.
Il désire la nacre, la calebasse.
Il délaisse les escadrilles. Il désire les escarbilles.
Il désire le calice. Il délaisse les banderilles.
Il caresse les arbres, il caresse l’ébène, il caresse l’érable. Il délaisse la carabine.
Il essaie Dada. Il délaisse Dada. Il délaisse les clans.
Il désire les clairières, les arbres. Les Ardennes. Il délaisse le sabre. Il délaisse les balles.
Il désire le rire. Il désire l’airain.
Il désire la bibine.
La bibine le déride. La bière le libère. La bibine libère le blair de Blaise.
L’encre l’ancre. Il délibère à l’encre. L’encre brille dans l’escarcelle. Il ébarbe l’aride, il descelle le lisse. Il caresse l’encre idéale. Là, il accède à l’indicible.
Il dîne de sardines dans les sables arides.
Il laisse la dinde se dandiner dans le bac à sable, la canard cancaner dans la brise, le cabri se cabrer dans la clairière, la caille s’écailler dans le nid, l’abeille babiller dans les blés, la brebis se délasser dans les sables berbères, la baleine brailler dans le bas de laine des anses salines, l’âne braire, le crabe crier dans le sel blanc, la sardine dîner, la rascasse se casser dans le sable, l’ara braillard brailler dans les arbres brésiliens.
Il ne cesse d’écrire. Rebelle, il lance des cris. Il ne cesse d’écrire des essais, de décrire sa carrière, de décrire ses errances, ses balades, ses allées. Il ne cesse de décrire, de narrer, de ressasser les années incarnées de ce siècle. Il crée. Il a le babil clair. De ses dires, il déride les siens. Blaise, l’encre incarnée. Blaise, l’air candide. Blaise, le barde balaise. Blaise, le barde rare. Si rare.
Écrire, écrire des bribes…
Là, il a des rides. Derniers rires.
Râblé, Blaise descend l’ancre.
Braises cendres.
Braises, cendres calcinées. Brindilles indiscernables.
Le sable crisse.
À l’aide ! À l’aide !
Abracadabra, Blaise déraille, Blaise décanille !
Brasier résilié. Ciel incendié, ciel bas, arc en ciel blanc : le crâne de Blaise s’incline. Dernier air.
Le clébard de Blaise braille.
Dernière brise de Blaise : sa narine renie les essences.
Décès en 1961. Carcasse. Des cendres. Blaise descendre.
À l’aise, Blaise. En bière.
À sec, l’encrier.
Silence.
L’inaliénable sabir de Cendrars. L’inébranlable sabir de Cendrars. L’inénarrable sabir de Cendrars.