Square Louvois : guerres et paix
Place des Victoires — voilà qui évoque des guerres
nationales
victorieuses. Écrirai-je un poème qui en fasse le tour
qui en décrive, en mesure les secteurs
qui en admire la statue métallique
un dernier vers compté sept huit
De cent ans, de trente ans, de soixante-dix, de quatorze-dix-huit
tas de guerres
qui détruisent les unes les masures les autres jusqu’aux charpentes métalliques
sous prétexte toujours taratata d’honneur taratata national
obus, canons, shrapnels, vecteurs
mourir beaucoup à qui le tour
Rue de la Banque — première guerre mondiale, pour engraisser ces vautours
plus de huit
millions de morts, aujourd’hui les lecteurs
ont bien du mal à croire ce que fut cette guerre
dans un grand consensus international
et leurs ricanements métalliques
Rue de la Paix — au fond la laide colonne métallique
comme une tour
qu’on avait abattue je me souviens et de l’indignation nationale
bien pensante des mêmes qui en quarante-huit
soixante-et-onze, aux ouvriers la guerre
et rassurer les électeurs
Victoires, banque et paix, mais surtout pour les lecteurs,
métalliques,
les grilles du square, marronniers cent cinquantenaires, d’avant ces guerres,
sophoras, filaria, fontanesia, chênes chevelus de la liberté, ses atours,
sa surface, en mètres carrés : 1928,
Louvois — dragonnades nationales
Le jour de Munich Queneau alla à la Bibliothèque Nationale
seul lecteur
hantant les 1555 mètres carrés du hall construit par Labrouste en 1868
un des premiers chefs-d’œuvre de l’architecture métallique
vingt ans plus tard Eiffel construisait sa tour
un an après c’était la guerre
Michèle Audin
Octobre 2009
(ce poème est paru dans le numéro Queneau de guerre en guerre de la Revue d’études sur Raymond Queneau, 62-63, Association des amis de Valentin Brû, (juillet 2011)).