incluant une véridique histoire des nombres «de Queneau» Michèle Audin

Michèle Audin

La plupart des textes (les bons comme les mauvais) consacrés aux nombres de Queneau commencent par citer Arnaut Daniel, reproduisent la sextine d’ongle et oncle, en ajoutent parfois une traduction dans une langue moderne, puis définissent les nombres de Queneau. Et ensuite en viennent à leur fait. Je vais faire ici exactement le contraire, c’est-à-dire me concentrer sur ce qui se passe entre Arnaut Daniel et Raymond Queneau avec la ferme volonté de voir ce que l’on peut faire avec la permutation (on remarquera que je laisse béant un trou de sept cent cinquante ans).

* La canso d’Arnaut, vers 1200

* La sextine de Dante, vers 1300

(le mot sextine, sestina, a été inventé en italien)

* Celles de Pétrarque, vers 1350

La forme (aujourd’hui appelée permutation spirale) est comprise et fixée.

Petite remarque pas tout à fait hors sujet : Arnaut Daniel et sa poésie n’ont pas toujours été unanimement appréciés.

Rappels. Citons :
- Gaston Paris (fin du xixe siècle):

Le genre d’Arnaut Daniel, qui nous paraît rebutant et puéril,

- Alexandre Masseron (xxe siècle, dans une note à sa traduction de La Divine Comédie):

vers de forme compliquée, d’interprétation pénible, inventeur de la sextine, que Torraca appelle « une espèce de camisole de force imposée à l’imagination et au sentiment », semble avoir dû sa célébrité beaucoup moins à ses propres œuvres qu’à l’admiration, difficile à justifier, que Dante lui témoigne dans cet épisode et ailleurs, etc.

Avant de sauter quelques siècles, je rappelle la superbe anthologie de la sextine publiée il y a quelques années déjà par Pierre Lartigue sous le (non moins) superbe titre L’Hélice d’écrire.

* Pierre Inès Prompt, en 1906 (voir ci-dessus)

Il faudrait trouver des liens, mais à défaut, au moins signaler les cours d’Eugène Vinaver (né en 1899, en Angleterre depuis les années 1920, professeur à Manchester depuis 1933, mort en 1979). Je répugne à ne pas citer La leçon de Ribérac, dans laquelle en 1941 Aragon écrivit son admiration pour l’oeuvre d’Arnaut Daniel (mais ce n’est clairement pas la forme de la sextine qui l’intéressait le plus).

Signaler les cours de Vinaver et signaler que c’est Vinaver qui fut le premier (jusqu’à la publication d’une possible recherche suivante, dans laquelle on lui aura trouvé un prédécesseur) à décrire la permutation à l’aide d’une spirale. Et que c’est Antoine Tavera qui fit sortir la spirale de l’université, et peut-être aussi la sextine du nombre 6.

* Antoine Tavera, précisément le 29 sable 93 (décembre 1966 en jargon pataphysicien).

* Raymond Queneau, le même jour, pages suivantes de Subsidia pataphysica.

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