incluant une véridique histoire des nombres «de Queneau» Michèle Audin

Michèle Audin

Et puis il y a Queneau. Il est plus que vraisemblable que c’est Tavera qui l’a initié à la sextine et à la permutation spirale, sans doute, me dit Thieri Foulc, via Latis dont il était un très ancien ami et qui a vu immédiatement l’intérêt oulipien de l’article de Tavera et l’a communiqué à Queneau.

La longue liste des lectures très éclectiques de Queneau publiée dans le volume de ses « Journaux » ne témoigne pas vraiment d’un intérêt ancien et profond de Queneau pour la poésie des troubadours. Les « journaux » s’arrêtent en 1965 et ne mentionnent ni Vinaver, ni Tavera.

Son article, qui suit celui de Tavera dans Subsidia pataphyisca n’est, d’après son titre qu’une « Note complémentaire sur la sextine ».

Le nombre de vers des strophes s’appelle maintenant n. La question n’est plus de savoir pourquoi Arnaut Daniel a choisi le nombre 6, mais quels nombres il aurait pu théoriquement choisir. Queneau remarque que les nombres de la forme x + y + 2xy ne fonctionnent pas. Tel un authentique mathématicien il emploie la formule magique « On démontre facilement que ». Il est probable qu’il a remarqué que, pour ces nombres, le mot rime numéroté 2x + 1 ne prend jamais que des positions multiples de 2x + 1. Pour nous, c’est une conséquence de la propriété

n admissible  $\Rightarrow$  2n + 1 premier,

puisque

2(x + y + 2xy) + 1 = (2x + 1)(2y +1)

n’est jamais premier (mais la démonstration serait la même). La cerise sur le gâteau de la vérité historique est une remarque où le grand satrape rejoint le Docteur Prompt : les puissances de 2 ne sont pas admissibles (ce dont nous avons donné une démonstration dans la page « et entre les deux »).

suite à droite
$\to$




La remarque sur les nombres de la forme x + y + 2xy a l’air compliquée, mais elle exclut déjà, par exemple tous les nombres plus grands que 2 dont le chiffre des unités est un 2 ou un 7 (x = 2 et y quelconque) – (alors 2n + 1 se termine par un 5 et n’est donc pas premier, donc avec ce que nous savons aujourd’hui, c’est clair).