incluant une véridique histoire des nombres «de Queneau» Michèle Audin

Michèle Audin

Ce qui nous ramène au début de cette histoire. Le 25 juin 2013, donc, la commission a ouvert le pli numéro 7115, qui avait été déposé le 2 juillet 1906 (le premier pli déposé par Julia en juin 1917 portait le numéro 8401, ce qui montre que plus de mille deux cents plis avaient été déposés en onze ans, que de découvertes !) par le Docteur Pierre Inès Prompt.
 

La découverte de ce monsieur était la suivante : si p est un nombre premier impair, alors 2p + 1 est divisible par 3 (ceci est vrai dès que p est un nombre impair) et le quotient (2p + 1)/3 est un nombre premier (là, il faut au moins que p soit premier, par exemple, avec p = 9, on trouve 171, qui n’est certes pas premier puisque 171 = 9 $\times$ 19). Le Docteur Prompt avait promptement vérifié que c’était vrai pour les nombres premiers 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19 et 23 (obtenant pour ce dernier le nombre premier 2 796 203).

Le mathématicien membre de la commission ne devait pas tarder à s’apercevoir que, pour le nombre premier suivant, c’est-à-dire p = 29, on trouvait (2p +1)/3 = 178 956 971, qui n’est évidemment pas premier (pour les calculateurs moins prompts que notre académicien, c’est 59 $\times$ 3 033 169). Donc le théorème du pli cacheté 7115 est faux et l’Académie des sciences peut le qualifier de « sans intérêt » et l’enterrer dans ses archives.

Mais alors, pourquoi en parler ?

Dans le pli cacheté, Prompt disait utiliser une propriété des « sextines ». Le mathématicien, Jean-Michel Bony, spécialiste de Raymond Roussel et d’opérateurs paradifférentiels, connaît aussi bien les sextines, comme objets poétiques. Par contre, ce que le docteur Prompt désignait par « sextine », clairement un objet mathématique, n’était pas explicité dans son pli. Difficile, donc, de comprendre où était la faute.

Il se trouva que le docteur Prompt avait aussi publié, l’année précédente, un fascicule intitulé : Remarques sur le théorème de Fermat – une brochure « intéressante par son originalité » (ainsi que l’avait qualifiée, en son temps, le mathématicien Adolphe Buhl).

Le contenu de cette brochure sera discuté un peu plus bas, après que j’ai répondu à la question : « Mais qui était donc le Docteur Prompt ? »

suite à droite
$\to$