(1) 1 est le premier nombre de Queneau.
(2) 2 est le deuxième nombre de Queneau.
     (3) Pour faire l’histoire des nombres non de Queneau, il fait commencer par celle des nombres de Queneau, c’est-à-dire par la sextine d’ongle et oncle, d’Arnaut Daniel, au treizième siècle.
(4) 4 est le deuxième nombre non de Queneau, ou non nombre de Queneau.
(5) J’ai écrit un jour une Quatherine, à propos du quatrième arrondissement de Paris. Le troisième vers de chaque strophe parlait d’un lieu qu’aimait Catherine.
     (6) Le besoin d’autres permutations s’est vite fait sentir, même en gardant six mots-rimes : six strophes de six vers, c’est une bonne taille pour un poème.
(7) Au cours de la réunion 653 de l’Oulipo, j’ai approuvé la proposition faite par Ian Monk de nommer les n-ines non Queneau des nonines.
(8) 8 est le premier nombre n non de Queneau pour lequel 2n+1 est premier. Si n est de Queneau, alors 2n+1 est premier. Mais la réciproque n’est pas vraie.
      (9) La térine est le nom du poème (de neuf vers) obtenu en faisant tourner trois mots-rimes grâce à la permutation spirale.
(10) Ne pas oublier la dizine (dixine ?) lue par Ian au cours de cette même réunion 653, enfin une nonine convaincante.
(11) Car, pendant ce temps, Ian Monk compose de la poésie.
      (12) Queniniser la littérature, voilà un de ses projets. La quenine est la forme parfaite. Tout autre poème, tout poème déjà écrit, est alors considéré comme  une strophe d’une quenine (dont les autres sont à écrire).
(13) J’aime présenter, parmi les exemples de n-ines, sa neuvine plouk quoi moi bière encore la baise merde toi (et ce qui s’ensuit, en spirale).
(14) Je me souviens parfois que dans une sextine, il y a une tornada, un peu négligée dans cette histoire.
      (15) Nombreux sont les oulipiens qui se sont essayés à la n-ine : Valérie Beaudouin a fait des térines doubles, textuelles et visuelles.
(16) 16 n’est pas un nombre de Queneau. À part 1 et 2, aucune puissance de 2 ne l’est : si n = 2k, alors en itérant la permutation, 1 va prendre les places 1,2,…,2k et c’est tout, il occupera donc seulement ces k +1  places, au lieu des n = 2k espérées.
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(17) La permutation spirale de 16 éléments est d’ordre 5, en vertu de la note précédente et de la suivante.
(18) L’orbite de chaque élément a une longueur qui divise celle de l’orbite de 1, de sorte que l’ordre de la permutation spirale a toujours pour ordre la longueur de cette orbite.
      (19) Nombreux sont les oulipiens qui se sont essayés à la n-ine : pour Hervé Le Tellier, dans sextine, il y a sexe.
(20) 2 est le seul nombre de Queneau dont le chiffre des unités est un 2. Si le chiffre des unités de n est 2 (ou 7), celui de 2n + 1 est 5, donc ce nombre est divisible par 5, et donc il n’est pas premier (sauf si c’est, justement, 5).
(21) Je me souviens que Queneau n’a jamais écrit de sextine, mais qu’il a écrit une un-ine, J’acquis un timbre Proust au carré Marigny.
      (22) Pour faire l’histoire, mentionner, au vingtième siècle, les spécialistes de poésie du Moyen âge Eugène Vinaver et Antoine Tavera, qui suivit ses cours et eut l’idée de généraliser la spirale à d’autres nombres que six. Et Raymond Queneau, qui injecta cette idée dans l’Oulipo.
(23) J’aime commencer à présenter les n-ines par Et l’unique cordeau des trompettes marines.
(24) La permutation spirale de 4 éléments a un élément fixe (le troisième). Il est toujours vrai que, si n = 3 k + 1, l’élément 2 k + 1 est fixe. Cela vaut pour 1, 4, 7, 10, 13, 16, 19
      (25) Queniniser la littérature. Pour commencer yaka queniniser l’yucca. Ska fait Ian Monk.
(26) J’ai écrit un jour un (vilain) poème sur le septième arrondissement. Quatre strophes de sept vers, une authentique non-ine, tournant autour du cinquième vers et de la Tour Eiffel (qui est dans le septième).
(27) Pendant ce temps, Ian Monk, lui, composait de la poésie.
      (28) Le besoin d’autres permutations s’est fait sentir lorsque Georges Perec voulut utiliser plusieurs fois le carré gréco-latin orthogonal d’ordre dix et donc permuter dix éléments avec une permutation d’ordre dix. Celle-ci a un nom aussi vilain que celui du carré, pseudo-quenine… Le  livre, La Vie mode d’emploi, et son titre nous consolent de ces barbarismes.
(29) Ne pas oublier la sextine visuelle et numérique d’Oskar Pastior, qui illustre aussi la non existence de carré gréco-latin orthogonal d’ordre six (mais ne la démontre pas).
(30) Au cours de la réunion 597 de l’Oulipo, j’ai déçu Harry Mathews qui avait espéré que j’allais lui faire comprendre pourquoi 8 n’était pas un nombre de Queneau (heureusement, le compte rendu, brillamment rédigé par Daniel Levin Becker, a ignoré ce détail).
      (31) La térine des opérations est un poème de Jacques Roubaud qui décrit la commutativité de l’addition et de la multiplication et s’alarme de la non-commutativité de l’exponentiation (deux puissance trois n’est pas égal à trois puissance deux).
(32) 8 = 23, la permutation spirale est d’ordre 4 en vertu de la note (16). Il y a là deux orbites de longueur 4.
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(33) 8, non nombre de Queneau, est précédé de 7, non nombre de Queneau. Il est toujours vrai que, si n = 2k - 1, alors 1  va prendre les places 1, 2,…, 2k-1, 2k - 1, et c’est tout. La longueur de cette orbite est k + 1. Comme pour 2k.
(34) Ainsi les permutations spirales sur 16 et 15 éléments ont le même ordre (qui est 5), et il en est de même pour 8 et 7, pour 32 et 31 et ainsi de suite.}
      (35) La térine rouge-noir-blanc de Paul Fournel a été adaptée pour illustrer une idée de Paul Braffort, et en faire un poème en relief.
(36) Si une permutation spirale a 1 élément fixe, elle en a exactement 1. Pas plus.
(37) Au cours de la réunion 592 de l’Oulipo, j’ai proposé, selon l’idée de Ian Monk, de queniniser un poème de six vers (une sextinisation) de Queneau lui-même. J’avais appelé ça (par erreur) quenellisation.
      (38) Nombreux sont les oulipiens qui se sont essayés à la n-ine : Paul Fournel lui-même en a écrit de toutes sortes, parmi lesquelles un roman et aussi une Quatherine merdique (c’est son titre).
(39) Ne pas oublier la subtile sextine d’Olivier Salon sur jeu nous enjeu gnou je genoux, lue à la BNF lors d’une séance genoux (naturellement).
(40) 2 énoncés distincts : la permutation spirale sur n éléments fixe un de ses éléments si et seulement si n = 3 k + 1. L’un a déjà été donné (à la note (24)), l’autre est sa réciproque, tous les deux sont vrais.
      (41) Le besoin d’autres permutations s’est fait sentir, et Jacques Roubaud en a inventé, certaines sont inspirées de la façon de battre les cartes, comme la mongine, du nom du mathématicien Gaspard Monge, et la pharoïne, dont le nom vient du jeu de pharaon.
(42) Je me souviens que j’ai fait travailler une étudiante sur les nombres pharaoniques.
(43) Et que, pendant ce temps, Ian Monk composait de la poésie.
      (44) Pour faire l’histoire, mentionner Jacques Roubaud, qui a popularisé et généralisé de toutes sortes de façon les sextines et les nombres de Queneau, après avoir compté les escargots dans les salades de la chapelle poldève et les cinquante-trois poissons dans le bassin du square Louvois.
(45) J’ai écrit un jour une suite de vingt-huit notes sur la septième sonate pour piano de Beethoven, que j’ai lue à la BNF. C’était une authentique septine, les sept objets permutés étaient les notes de la gamme et chacune des quatre strophes était consacrée à un des mouvements de la sonate. Le sol ne bougeait pas.
(46) J’aime cette coïncidence numérique, et aussi, par exemple, celle qui fait qu’une joséphine de huit a trente-six vers et peut donc être en même temps une sextine, rêver, peut-être…
      (47) Queniniser la littérature… tout poème est donc une quenine (ou une non-ine) fragmentaire, inachevée, qu’il s’agit de compléter. Supposons par exemple un sonnet, quatorze vers, donc, et quatorze est un nombre de Queneau, une quatorzine, cent quatre vingt seize vers. On peut se demander combien de ses strophes seraient d’authentiques sonnets ?
(48) Sur 4, il y a encore beaucoup à dire. C’est une puissance de 2, il est de la forme 3 k + 1, tout ça l’empêche d’être de Queneau. Mais cela a déjà été dit.
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(49) 4 est aussi de la forme 9 k + 4, et ces nombres-là ont des cycles d’ordre 3. C’est vrai de 4, 13, 22, 31, 40,…
(50) Sur 8, il y a beaucoup moins à dire. Ou alors tout a été dit. Comme il reste de la place, j’en profite pour signaler que cent mille milliards n’est pas un nombre de Queneau, comme toutes les puissances de 10, parce que si n est une puissance de 10, 2 n + 1 est divisible par 3.
      (51) Queniniser la littérature, grâce aux nonines, tout est désormais possible, avant de s’attaquer à Cent mille milliards de poèmes, essayer Booz endormi : quatre vingt huit vers, un poème de deux mille cinq cent cinquante-deux vers, avec vingt-neuf apparitions de Jérimadeth ! Quel programme !
(52) 16 = 24 = 3 $\times$ 5 + 1, la première égalité dit que la permutation spirale est d’ordre 5, la deuxième donne le fait que 11 est fixe – ici nous prouvons le mouvement en marchant.
(53) J’aime que le nombre fixe d’une seizine soit le onze, j’aime le nombre onze, c’est en utilisant ce nombre de Queneau que j’ai composé Cent vingt et un jours.
      (54) La térine est un poème et un must des ateliers d’écriture oulipiens.
(55) J’ai écrit un jour une sextine infinie. Je ne sais pas si c’est une non-ine. Sans doute parce que je ne l’ai pas finie.
(56) C’est 1 propriété exceptionnelle, celle qui fait que la permutation spirale de n éléments est d’ordre au plus n. Par exemple, (1,2,3,4,5) $\mapsto$ (2,3,1,5,4) est une permutation de cinq éléments, et elle est d’ordre 6.
      (57) Pour faire l’histoire des non-nombres de Queneau, revenir assez loin en arrière et mentionner le Docteur Prompt, qui avait bien compris, au tout début du vingtième siècle, que les puissances de deux sont les « moins-Queneau » de tous les nombres.
(58) Au cours de la réunion 595 de l’Oulipo, j’ai expliqué que, si six est un nombre pharaonique, ce n’est pas parce que c’est un nombre de Queneau, mais parce que deux en est un.
(59) Pendant ce temps, Ian Monk composait de la poésie.
      (60) Nombreux sont les oulipiens qui se sont essayés à la n-ine : Jacques Jouet a écrit une quintine qui est aussi un sonnet.
(61) Je me souviens d’une mongine de Jacques Roubaud, consacrée au mathématicien Tutte et à sa quadrature du carré.
(62) Ne pas oublier la Sainte Catherine de Harry Mathews.
      (63) Le besoin d’autres permutations s’est fait sentir, aussi pour d’autres nombres, par exemple huit. Ainsi Jacques Roubaud composa Queneau en novembre, une octine (6,5,1,7,4,2,8,3), mais pas une non-ine.
(64) Pour que la permutation spirale de n éléments ait une orbite de longueur 2, il faut et il suffit que n = 5 k + 2.
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(65) La note précédente est une version précisée de celle qui dit 2 et 7 ne sont jamais des chiffres des unités de nombres de Queneau (c’est-à-dire de la note (20)).
(66) La permutation spirale de 4 éléments a une orbite de longueur 3, mais celle de 3 éléments aussi. Pourtant 3 n’est pas de la forme 9 k + 4. Personne n’a dit que lorsqu’il y a un cycle d’ordre 3, n était de la forme 9 k + 4. Un autre énoncé que celui qui a déjà été donné est : il y a un cycle d’ordre 3 si et seulement si n est de la forme 9 k + 4 ou 7 k + 3 (ce qui ajoute à la liste précédente les nombres (3,10,17,24,31,38,45,…)).
      (67) Le besoin d’autres permutations s’est fait sentir, et Jacques Roubaud a eu l’idée de décimer les mots-rimes au fur et à mesure qu’il les permutait, donnant au poème le nom de joséphine, pas un nom de femme mais par celui de l’historien Flavius Josèphe.
(68) Malgré 8, 7, 4, 16 et tous ces non nombres de Queneau dont ce texte contient plusieurs fois une infinité, il est assez probable qu’il reste de la place pour une infinité de nombres de Queneau.
(69) Ne pas oublier ce qu’Isabelle Sbrissa appelle une fausse quintine de sept et que Jacques Roubaud appellerait sans doute une contre-septine, l’antonyme de la nonine, c’est une nonine plus la strophe suivante.
      (70) Queniniser la littérature, oui, sauf les quenines (ou les nonines) qui sont des textes déjà aboutis. Pourtant… il y a dans cette seizine une quintine bien conformée… et puis, dans une trentedeuzine, les vers en position multiple de cinq forment une authentique sextine, on peut donc considérer toute sextine comme une partie d’une trentedeuzine à compléter (et de même pour une quatorzine, une dixhuitine, etc.): voilà, noniniser les quenines !
(71) Je me souviens pourtant que Jacques Jouet a parlé un jour de sextine de sextines. Mais c’était un abus de langage, désignant six sextines faisant permuter six mètres différents.
(72) 16 = 3 $\times$ 5 + 1 et, en effet, il y a trois poèmes de cinq fois cinq vers dans une seizine (euh, je voulais dire trois cycles d’ordre 5). Plus un élément fixe.
      (73) Nombreux sont les oulipiens qui se sont essayés à la n-ine : il y en a de toutes sortes dans les Opéras minute, de Frédéric Forte.
(74) J’aime particulièrement, dans ce recueil, la onzine, que j’ai, un dimanche matin ou je faisais la queue dans une boulangerie, tenté de transformer en tresse.
(75) Pendant ce temps, Ian Monk compose encore de la poésie.
      (76) La terrine, avec deux r, est un pâté.
(77) Au cours de la réunion 644 de l’Oulipo, nous étions seize et j’eus l’idée d’écrire le compte rendu en forme de seizine, notre hôtesse occupant la place qui ne bouge pas : elle était chez elle.
(78) J’ai écrit un jour un projet de livre en forme de soixantecatherine, qui a les mêmes qualités qu’une seizine… mais en beaucoup trop long.
      (79) Pour faire l’histoire des non-nombres de Queneau, décrire les travaux sur la zéro-ine de Marcel Bénabou.
(80)  1 = 2 $\times$ 0 + 1 n’est pas un nombre premier. Donc 0 est un nombre non de Queneau. Ainsi les 0-ines sont des nonines. 

Forme seizine.
Les notes indentées forment une quintine
(à démarreurs).

Des références au contenu de ces notes
se trouvent dans la page
« références des quatre-vingts notes ».

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