L’Académie des sciences et la Commune de Paris Michèle Audin

Michèle Audin

La séance commença. Au bureau, sous la statue de Colbert, Hervé Faye présidait. Il lut une lettre du président en titre, Victor Coste, qui écrivait du château de Résenlieu, « Résenbese », est-il écrit dans le Compte rendu, la correction des épreuves aurait-elle été trop rapide ? Résenlieu donc, près de Gacé, dans l’Orne, où il dirigeait une ambulance internationale, établie dans le château. Hervé Faye transmit, la santé de Victor Coste était assez satisfaisante ; il souffrait encore de ses yeux, fatigués, disait-il, par l’abus du microscope, il avait dicté plusieurs chapitres de son ouvrage, mais, ajoutait Faye, la lettre était de sa main, « ce qui annonce un progrès réel dans sa santé ».

Puis on parla, on parla encore des malheurs qui étaient venus accabler la France, après lesquels l’impression de l’Annuaire du Bureau des longitudes avait repris. On parla de l’actualité scientifique, l’acclimatation du quinquina à la Réunion, l’utilité des moutons dans l’Égypte ancienne, l’ouverture du tunnel du Mont-Cenis, douze mille mètres de Bardonèche à Modane, la découverte à Bilk d’une nouvelle planète, ce qui ne signifie pas que cette planète était à Bilk mais que l’astronome qui l’avait découverte, un dénommé Luther, se trouvait à Bilk lorsqu’il l’avait aperçue, découverte annoncée par le Directeur de l’Observatoire, qui communiqua aussi les données météorologiques recueillies à l’Observatoire, dont c’était un des rôles depuis Cassini IV, rappela-t-il, sur l’hiver, le terrible hiver 1870-71, les observations avaient continué malgré les bombardements, il compara ces mesures, ses mesures, celles de l’Observatoire, à celles de Montsouris, les observations de Sainte-Claire Deville, ouvrant ainsi une polémique. Delaunay annonça aussi que la pyramide géodésique de Villejuif n’avait pas souffert de la guerre. La chute de neige du 16 mars 1870, le « bolide », météore lumineux observé à Saintes trois jours plus tôt et à propos duquel l’Académie avait déjà reçu deux lettres, firent aussi l’objet de commentaires. L’étude d’un nouveau reptile, le nématoïde, au jardin des plantes, évoqua peut-être à ces messieurs feu le voisin éléphant, plus charnu et donc moins chanceux. Il y eut une autre dispute, les disputes étaient courantes, cette fois parce que quelqu’un, un Monsieur Champion, prétendait étudier les acides (séricique, laniginique) obtenus par la réaction des alcalis avec la soie ou la laine, ce que Chevreul, qui était présent et le fit remarquer, avait déjà fait avec Gay-Lussac plus de quarante ans auparavant. Il reste à mentionner les blessés de l’armée du Rhin et l’ergotine essayée sur eux et à laisser l’huissier fermer la porte à deux battants.

La réunion du comité secret ne dura pas moins d’une heure et demie. Jean-Baptiste Dumas, Secrétaire perpétuel, l’autre secrétaire perpétuel, proposa une « délibération », sorte de motion, selon laquelle rien ne devait être modifié, et Charles Combes, de la section de mécanique, en proposa une, lui, selon laquelle rien ne devait être modifié. On décida de les autographier, ce qui était le mode de reproduction de l’époque, de les distribuer, et de renvoyer la discussion à quinzaine. C’est peu pour une heure et demie. Il est plus que probable que l’on parla aussi d’autre chose.
Comme les tableaux météorologiques présentés par Delaunay faisaient partie de l’histoire du siège, l’Académie décida de les publier dans ses Comptes rendus. C’est ainsi que nous savons quel temps il faisait chacun des soixante-douze jours de la Commune de Paris (sauf deux, les 24 et 25 mai).
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Couverture : les observations météorologiques
de février 1871 à l’Observatoire,
dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences
du 20 mars 1871
 

La figure du 20 mars :



… et soient A, B, C, D, E, F six points sur cette conique.