L’Académie des sciences et la Commune de Paris Michèle Audin

– Mais non, pas du tout !?!

Et voilà! Une auteure qui a trouvé une source, une vraie belle source, et facilement disponible, puisque en ligne, sur un vrai brave site institutionnel tout ce qu’il y a de plus fiable, rien moins que le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, « Le Journal Officiel de la Commune »… et un lecteur qui conteste la date d’un des articles.

Dans un texte d’histoire il y a, nécessairement, l’histoire du texte lui-même, de son auteur, de ses sources. Et ici, celle d’un de ses lecteurs. Et le plaisir rare de faire intervenir un lecteur dans le texte…
Cette intervention, qui se contente de contester la date de publication d’un compte rendu, va permettre de préciser de quel « Officiel » viendront les informations rapportées ici.

Eh oui, parce qu’il y a deux Officiels. Il y a le journal qui est paru, quotidien, jour après jour, du 20 mars au 24 mai, une grande feuille recto-verso, le vrai journal, et il y a la « Réimpression » faite aussitôt après la Semaine Sanglante. Il y en a d’autres, il y eut un Journal Officiel publié à Versailles, et même une version abrégée du vrai Journal Officiel de la Commune, vendue moins cher, mais de ces deux-là il ne sera pas question.
« Réimpression », c’est ce qu’il y a écrit sur cet Officiel-là, celui que l’on trouve sur le site de la Bibliothèque nationale de France. Ce que quelques historiens savent peut-être, c’est que cette « réimpression » n’en est pas une, ce n’est pas un fac-similé mais une sorte de « pages choisies » – et pas chosies de façon neutre…

– Après les massacres, les vainqueurs écrivent l’histoire, ajoute le lecteur.

En effet. Même en se limitant à « l’atmosphère confinée de l’Académie des sciences », ceci est visible. Donc, précisons que l’Officiel, dans la suite de ce texte, désigne l’Officiel de la Commune, le vrai, pas celui des Versaillais. Et que ce sont les exemplaires de ce journal prêtés par le lecteur qui ont été utilisés, puisque le site Gallica de la BNF n’a que l’Officiel falsifié.

De ceci les lecteurs (les autres) auront compris que le lecteur connaît bien l’histoire de la Commune et les sources sur ce moment de l’histoire.

Reprenons :

La réapparition de plusieurs des membres fut notée dans l’article que publia le Journal Officiel de la Commune dont le Comité central avait pris le contrôle et dont le premier numéro parut justement ce jour-là, le 20 mars. Cet article venait d’un autre journal, le Constitutionnel dans lequel il était paru le 23 mars, son auteur s’appelait Hector Georges, et c’est le 24 mars que l’Officiel le reproduisit.
Et dans l’antichambre on ne put que congratuler Paul Thénard, membre de la section d’économie rurale, qui revenait de Brême où les Prussiens l’avaient retenu prisonnier, et lui exprimer l’inquiétude dans laquelle on s’était trouvé à son sujet. Le Journal Officiel publia aussi la déclaration qu’il fit d’une voix très émue. On parla de l’actualité. L’un mentionna-t-il Victor Hugo, qui était venu à Paris pour enterrer son fils mort brutalement, il lui avait fallu traverser la place de la Bastille où, le savait-on, la barricade s’était ouverte pour laisser passer le cortège ? D’autres, ou les mêmes, commentèrent-ils le coup de force raté, le samedi à trois heures du matin, de Thiers et la prudente fuite que ce dernier avait prise dès quatre heures du soir le même samedi ? L’opinion qu’il s’était trémoussé dans quelque coin en donnant des ordres avant ce départ fut-elle émise ? L’évocation de la barricade suscita-t-elle des exclamations alarmées, effrayées, haineuses ? Quelqu’un exprima-t-il son dégoût devant les faces stupides et abjectes des gardes nationaux ? Un autre décrivit-il la défense de l’Hôtel de Ville, des barricades imaginez-vous, au pont Louis-Philippe, dans l’avenue Victoria, et à l’entrée des rues de Rivoli et du Temple ? L’un ou l’autre se souvint-il des années 1830, temps où peut-être lui-même ou certains de ses amis s’étaient trouvés sur une ou pas loin d’une barricade ? C’était le cas de Faye lui-même, qu’Hermite classait parmi les cléricaux mais qui avait été exclu de l’École polytechnique en 1834 pour républicanisme, et de Le Verrier, qui avait fait du chemin (politique) depuis, choisissant sans hésiter le côté du pouvoir. Mais on n’en parla sans doute pas, puisque Delaunay était là, on disait de Delaunay qu’il était toujours souriant et heureux, sauf lorsqu’il était question de Le Verrier. Il est possible que même Michel Chasles, lui si gentil, n’ait pas adoré Le Verrier. Le Verrier était une personne très désagréable, dit-on, il était dans sa nature de batailler, on lui avait d’ailleurs retiré la direction de l’Observatoire après trop de plaintes de ses collègues et la démission collective de quatorze astronomes en janvier 1870, pour la confier à Delaunay. D’autre part, il avait pris violemment parti contre Chasles dans une polémique qui s’était conclue à peine un an et demi plus tôt. On évitait en tout cas de parler de Le Verrier lorsque Delaunay était là. Delaunay était d’ailleurs presque toujours là. En ce mois de mars, Le Verrier, lui, n’était pas présent. La Commune de Paris était proclamée depuis deux jours mais le savait-on ?



Peut-être Chasles essaya-t-il de parler de Pascal à un botaniste, savez-vous que, quand un hexagone est inscrit dans une conique, n’importe quelle conique… Mais il était déjà trois heures.
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Couverture : la page 2 du Journal Officiel,
24 mars 1871
figure : le théorème de Pascal dans une hyperbole, MA

La figure du 20 mars :



… et soient A, B, C, D, E, F six points sur cette conique.