DIFFERENCES – RESSEMBLANCES [ce titre se trouve dans le manuscrit]
Je ne sais pas d’où me vient cette attitude, était-ce dans ma nature, est-ce dans la formation que l’on m’a donnée ou dans la formation que je me suis donnée ? Je n’en sais rien, mais très tôt dans ma vie, j’ai toujours été sensible aux différences et aux ressemblances. Quand je compare deux choses, soit dans une discussion, soit dans des rapports, j’ai toujours derrière moi un domaine de validité à définir.
Par exemple : les femmes et les hommes. Il n’y a entre eux rien de commun, la femme est la femme et l’homme est l’homme. Il y a aussi : l’Orient est l’Orient et l’Occident est l’Occident, etc. La féminité est ce qui fait le charme et la virilité ce qui fait la force, etc. Donc, différence fondamentale, n’essayez pas de les rapprocher. En effet, je sens très bien cela, dans mes rapports avec ma femme, par exemple, mais je sens aussi les ressemblances : les femmes et les hommes, c’est tout de même deux yeux, un nez, un foie, des muscles, etc. En même temps que je trouve un certain intérêt dans des différences entre hommes et femmes, pas forcément d’ordre sexuel, ça peut l’être, mais ça peut être aussi tout autre chose, je sens aussi très bien ma ressemblance avec les mammifères ! Je vois très bien qu’il y a beaucoup de choses communes entre eux et moi. Les différences sont plus grandes aussi. Ça dépend à quel point de vue on se place, s’il s’agit de discuter si on veut faire des comparaisons, ou bien s’il s’agit de vivre. Dans chaque acte de ma vie, je sens très bien la différence – j’en tire parti, même, quelquefois, je peux me défendre contre cette différence – ou bien je sens la ressemblance.
Or, en général, on ne parle que des différences, on n’aime pas tellement parler des choses communes. Et cela dans tous les domaines, dans le domaine des relations sociales, et aussi, par exemple, entre différentes activités culturelles. J’ai des ressemblances et des différences entre des plaisirs musicaux et des plaisirs picturaux. Je crois que je ne fais pas une seule chose sans tenir compte en arrière plan de ce sentiment des différences et des ressemblances.
J. M. Qu’est-ce qui détermine la différence entre les différences et les ressemblances ? Il y a un geste qui consiste à décider qu’à tel endroit il y a des différences et qu’à tel moment il y a de la ressemblance. Que se passe-t-il si là où vous décidez qu’il y a différence, votre interlocuteur décide que non ?
F. L. L. Il peut y avoir conflit, bien sûr. Tout dépend de l’enjeu. Dans certains cas, je peux céder – ou bien, au contraire, combattre.
Il peut y avoir désaccord entre un homme et une femme, encore une fois, sexuel ou sentimental, ou politique, ou autre.
Pour moi, il y a des positions politiques [qui ?] sont très ressemblantes à mes yeux, alors qu’aux yeux de certains, elles sont très différentes ; il y a aussi des cas où pour d’autres, elles sont très ressemblantes et pour moi, il y a de très grandes différences – mais je dois dire que ce sont pour moi des cas d’espèce. Je ne possède pas d’autre règle, en cela comme en beaucoup de choses, de [que] ma sensibilité. Pourquoi ai-je fait sauter des transformateurs ? C’est ma sensibilité qui me l’a fait faire – sensibilité raisonnée.
J. M. Oui, mais votre sensibilité vous l’a proposé à tel moment, ce n’est pas en 1935 que vous avez fait sauter des transformateurs. La question est de savoir comment une sensibilité personnelle est mue par le contexte social. Est-ce que, quelques années auparavant vous vous seriez imaginé en train de faire sauter des transformateurs ?
F. L. L. Très bien. Très, très bien. Je ne peux pas situer la date de naissance, mais c’est encore dans ma jeunesse : les choses fondamentales viennent de très, très loin. J’ai toujours eu une propension à remplacer les discussions oiseuses par de l’action – surtout quand au bout d’une discussion, il doit y avoir de l’action. J’agis. Une de mes lois est la loi de l’efficacité –pas à l’américaine. Si je fais quelque chose, il s’agit d’atteindre mon but. Ça a toujours été comme cela.
Je ne sais pas d’où me vient cette attitude, était-ce dans ma nature, est-ce dans la formation que l’on m’a donnée ou dans la formation que je me suis donnée ? Je n’en sais rien, mais très tôt dans ma vie, j’ai toujours été sensible aux différences et aux ressemblances. Quand je compare deux choses, soit dans une discussion, soit dans des rapports, j’ai toujours derrière moi un domaine de validité à définir.
Par exemple : les femmes et les hommes. Il n’y a entre eux rien de commun, la femme est la femme et l’homme est l’homme. Il y a aussi : l’Orient est l’Orient et l’Occident est l’Occident, etc. La féminité est ce qui fait le charme et la virilité ce qui fait la force, etc. Donc, différence fondamentale, n’essayez pas de les rapprocher. En effet, je sens très bien cela, dans mes rapports avec ma femme, par exemple, mais je sens aussi les ressemblances : les femmes et les hommes, c’est tout de même deux yeux, un nez, un foie, des muscles, etc. En même temps que je trouve un certain intérêt dans des différences entre hommes et femmes, pas forcément d’ordre sexuel, ça peut l’être, mais ça peut être aussi tout autre chose, je sens aussi très bien ma ressemblance avec les mammifères ! Je vois très bien qu’il y a beaucoup de choses communes entre eux et moi. Les différences sont plus grandes aussi. Ça dépend à quel point de vue on se place, s’il s’agit de discuter si on veut faire des comparaisons, ou bien s’il s’agit de vivre. Dans chaque acte de ma vie, je sens très bien la différence – j’en tire parti, même, quelquefois, je peux me défendre contre cette différence – ou bien je sens la ressemblance.
Or, en général, on ne parle que des différences, on n’aime pas tellement parler des choses communes. Et cela dans tous les domaines, dans le domaine des relations sociales, et aussi, par exemple, entre différentes activités culturelles. J’ai des ressemblances et des différences entre des plaisirs musicaux et des plaisirs picturaux. Je crois que je ne fais pas une seule chose sans tenir compte en arrière plan de ce sentiment des différences et des ressemblances.
J. M. Qu’est-ce qui détermine la différence entre les différences et les ressemblances ? Il y a un geste qui consiste à décider qu’à tel endroit il y a des différences et qu’à tel moment il y a de la ressemblance. Que se passe-t-il si là où vous décidez qu’il y a différence, votre interlocuteur décide que non ?
F. L. L. Il peut y avoir conflit, bien sûr. Tout dépend de l’enjeu. Dans certains cas, je peux céder – ou bien, au contraire, combattre.
Il peut y avoir désaccord entre un homme et une femme, encore une fois, sexuel ou sentimental, ou politique, ou autre.
Pour moi, il y a des positions politiques [qui ?] sont très ressemblantes à mes yeux, alors qu’aux yeux de certains, elles sont très différentes ; il y a aussi des cas où pour d’autres, elles sont très ressemblantes et pour moi, il y a de très grandes différences – mais je dois dire que ce sont pour moi des cas d’espèce. Je ne possède pas d’autre règle, en cela comme en beaucoup de choses, de [que] ma sensibilité. Pourquoi ai-je fait sauter des transformateurs ? C’est ma sensibilité qui me l’a fait faire – sensibilité raisonnée.
J. M. Oui, mais votre sensibilité vous l’a proposé à tel moment, ce n’est pas en 1935 que vous avez fait sauter des transformateurs. La question est de savoir comment une sensibilité personnelle est mue par le contexte social. Est-ce que, quelques années auparavant vous vous seriez imaginé en train de faire sauter des transformateurs ?
F. L. L. Très bien. Très, très bien. Je ne peux pas situer la date de naissance, mais c’est encore dans ma jeunesse : les choses fondamentales viennent de très, très loin. J’ai toujours eu une propension à remplacer les discussions oiseuses par de l’action – surtout quand au bout d’une discussion, il doit y avoir de l’action. J’agis. Une de mes lois est la loi de l’efficacité –pas à l’américaine. Si je fais quelque chose, il s’agit d’atteindre mon but. Ça a toujours été comme cela.