Un Sonnet irrationnel est un poème à forme fixe, de quatorze vers, dont la structure s’appuie sur le nombre pi (d’où l’adjectif irrationnel). Il est divisé en cinq strophes successivement et respectivement composées de : 3 – 1 – 4 – 1 – 5 vers, nombres qui sont, dans l’ordre, les cinq premiers chiffres significatifs de pi.

(Le suivant est un 9 ; c’est pourquoi on donne habituellement, comme valeur de pi, 3,1416, qui est la meilleure approximation de 3,14159).

Les deux strophes à vers unique (strophe II ou vers 4, et strophe IV ou vers 9) se comportent comme une façon de refrain.

Le poème est bâti sur quatre rimes A,B,C,D. Les rimes A et C sont de même sexe, et de sexe opposé à B et D. Il faut 4A, 3B, 4C (pour cinq vers) et 2D.

 

1. A +

2 A +

3 B –

 

4 C+

 

5 B –

6 A +

7 A +

8 B –

 

9 C + (identique à 4)

 

10 C +

11 D –

12 C +

13 C +

14 D –

 

C’est au cours de la réunion de mars 1963, dont on peut lire une transcription intégrale dans la Circulaire n°31  (Bibliothèque Oulipienne n°145), que Jacques Bens exposa pour la première fois les principes de ce qui allait devenir le «  sonnet irrationnel ». Il donne alors à cette contrainte le nom d’Oulipolée : « Ce poème a une base arithmétique qui est le nombre pi. (…). Donc, utilisant les cinq premiers chiffres de pi, ça nous donne un poème de cinq strophes qui comportent respectivement 3, 1, 4, 1 et 5 vers. […] Le total des cinq premiers chiffres [3, 1, 4,1, 5] est 14, en ne retenant que cinq strophes, on retrouve un nombre total de vers que nous connaissons déjà et il nous paraît honnête de saluer le sonnet, au passage. » Il explique ensuite la structure des rimes, avec un rôle de refrain joué par les deux strophes d’un vers, puis donne deux exemples. Deux ans plus tard, J. Bens, qui avait donc inventé une nouvelle forme publie chez Gallimard 41 sonnets irrationnels. Voici le premier de ces sonnets :
 

Mélancolique

Je vais donc retrouver mes anciens horizons,
Cette odeur pas perdue des vents et des maisons.
J’ai l’air d’abandonner, mais n’ayez nulle crainte :

Si je quitte Paris, c’est pour le mieux aimer.

On incline à brusquer une banale étreinte.
Mais que vaut cet orgueil qui n’est plus de saison ?
Allez donc réunir le cœur et les raisons.
La ville, en souriant, laisse sa rude empreinte :

Si je quitte Paris, c’est pour vous mieux aimer.

Vous mieux aimer, je ne pouvais y croire, mais
Je vois bien qu’aujourd’hui le présent nous emporte.
Il me faut, pour vous voir, m’éloigner quelque peu.
J’enferme mes regrets, puisque cela se peut,
Après avoir glissé ma clé sous votre porte.

Variante: 

Oulipolée