Michèle Audin

La collection de ponts de Fiordiligi n’encombre pas les étagères des bibliothèques. Elle est rangée dans son ordinateur. Car Fiordiligi collectionne aussi les ponts. Une collection de photographies soumise à deux contraintes

- les photographies doivent avoir été prises par elle-même (un clinamen pour celles envoyées par Lucia)
- l’amour de Fiordiligi pour les chemins de fer, les ponts acceptés dans la collection sont des ponts sur de l’eau.

Rangée dans la mémoire de l’ordinateur, mais visible, puisque c’est en elle que l’économiseur d’écran va puiser les images qu’il affiche, de façon aléatoire (pas plus que la réponse à la question de la promenade sur les îles parisiennes, la signification de ce mot ne sera discutée ici, par contre, le nombre de photographies de ponts de la collection, le jour où cet article est écrit, sera donné, neuf cent quinze), montrant successivement

- un pont de pierre sur un ruisseau, un champ dans l’Aubrac
- vu à travers le pont de chaînes, gracieux et blanc, le pont Erzsébet
- un enfant montrant un poisson, devant le pont du 25 avril, une photo de photo
- une passerelle sur un canal gené, à Strasbourg
- des canards sous un pont de pierre, à Saint-Flour
- la passerelle suspendue sur le campus de l’université Cornell
- les haubans d’une passerelle sur le Rhin
- le pont Sully à Paris, emballé, parce qu’en travaux, et non pas pour l’art, ici le vieux Qfwfq pourrait intervenir et nous rappeler que, il y a déjà longtemps, le Pont-Neuf avait été emballé par un artiste, et s’il ne le fait pas, c’est peut-être parce que ceci lui rappelle la mort de son auteur, qui s’est produite à ce moment-là, Italo Calvino est mort, le vieux Qfwfq est toujours là (et si vous écoutez attentivement, vous entendrez peut-être un soupir)
- un pont et son ombre sur l’eau de la ria, une photo prise d’avion au-dessus de Bilbao
- des feuilles vertes devant les pierres roses sous le pont des Arts
- l’été, un pont sur le canal, à Paris
- niege, pont dans le parc Sans-souci, Potsdam
- un pont suspendu sur un bras du Saint-Laurent, Thousand Islands
- un pont minuscule dans une forêt
- l’ombre de la passerelle suspendue de Cornell
- pont de bois, arcades gothiques des fenêtres d’un palais, Venise
- un joli pont en dos d’âne sur une route d’Auvergne
- un pont en bois posé sur un ruisseau
- un pont blanc moderne à Bilbao, une surface réglée, explique Fiordiligi à Dorabella, du dessin des droites nait une surface courbe
- le pont du 25 avril photographié par le hublot d’un avion, car pour pouvoir y revenir, il faut quitter Lisbonne
- des haubans sur le Rhin, au fond la cathédrale de Strasbourg
- derrière le pont, au-dessus du lac de Zurich, les montagnes, les nuages
- le pont surgi de la Guggenheim, Bilbao
- le zouave, au pont de l’Alma, à Paris, une de mes photos préférées, dit Fiordiligi, on voit la Seine, et sur la Seine l’ombre du pont, c’est donc bien une photo de pont, et le zouave vu du dessus
- sur un canal, une passerelle, son reflet, lumière d’hiver
- reflet sur la Moselle, à Épinal, un vilain pont pourtant
- le pont de chaînes, les photos de Budapest ont été faites un beau jour de printemps
- vues du pont Sully, Notre-Dame et la statue de Sainte-Geneviève sous la neige, un matin d’hiver parisien encore sombre
- à Paris la passerelle Senghor, qui a remplacé le pont de Solférino
- de la neige sur le parapet du pont Sully
- la passerelle suspendue dans le parc des Buttes-Chaumont
- derrière un acacia, le pont du 25 avril, c’est en pensant à Claude Simon que Fiordiligi a fait cette photo
- un ferry bondé, Ha Long, sous un haut pont à haubans, lorsque Fiordiligi a pris la photo, le pont était en construction, il est maintenant terminé, sans doute a-t-il tué les ferries, bruyants, animés, joyeux
- le fer forgé de la rambarde d’une passerelle, à contre-jour
- un long et beau pont auvergnat
- 25 avril, à contre-jour lui aussi, Fiordiligi a acheté l’appareil avec lequel elle a pris presque toutes ces photos pour s’en servir comme photocopieuse, photographier des documents ici ou là, c’est un appareil tout à fait ordinaire, tout effet photographique résulte, non pas d’une technique évoluée de l’appareil mais de sa volonté à elle, la photographe… et d’un peu de chance, d’où de nombreux essais de contre-jour, parfois assez réussis
- pont de fer, briques échappées d’un crépi lépreux, Venise
- 25 avril, vu du Alto de Santa-Catarina, avec l’Adamastor de pierre, un hommage littéraire là aussi

16 janvier 2015
(à suivre)

PS. Il y a une légende de l’illustration dans le post-scriptum de la page images.