les enseignes, le Cheval-Blanc, le Nom de Jésus, le Saint Esprit, les Trois Couronnes, l’Étoile d’Or, la Main d’Or, qui n’est pas celle de « l’ami Pierre », rebouteux célèbre, qui exerçait encore, sous l’enseigne euphémistique À l’ancien rebouteux d’un bistrot rue de la Main d’Or ;

les Folies, Regnault, Méricourt, mais aussi Titon ;

les hommes politiques, Amelot, un ministre de Louis XIII qui a donné son nom à une rue basse, à l’emplacement des fossés du Temple, des révolutionnaires ou républicains, Camille Desmoulins, je l’ai dit, Alphonse Baudin, j’en reparlerai, Godefroy Cavaignac donc, et Charles Delescluze, un communard celui-là, délégué à la guerre, tout à la fin, on le voit arriver place du Château d’Eau – aujourd’hui place de la République – « silencieux, n’ayant pour confident que sa conscience sévère, […] seul être vivant sur la chaussée du boulevard Voltaire, […] dans son vêtement ordinaire, chapeau, redingote et pantalon noir, écharpe rouge autour de la ceinture, peu apparente comme il la portait, sans armes, s’appuyant sur une canne », dit Lissagaray, le soleil couchant derrière la place, « pour la dernière fois cette face austère, encadrée dans sa courte barbe blanche », et tomber, foudroyé, ça ne suffisait sans doute pas, après avoir été assassiné en mai 1871, il devait être condamné à mort par contumace, on peut dire que la bourgeoisie versaillaise le haïssait, des ministres encore, Ledru-Rollin républicain ministre de l’Intérieur après la révolution de février 1848, de sorte qu’en juin, le ministre de l’Intérieur, c’était lui, même s’il a laissé Cavaignac (l’autre, le général) s’occuper de la répression, quant à Lamartine, le grand homme de février, il devait lui-même commander les charges, ce que Victor Hugo, au moins, ne fit pas, « triste de songer que tout ce sang qui coule des deux côtés est du sang brave et généreux », un peu plus d’un côté que de l’autre quand même, je digresse encore, Lamartine, on le sait, a sa rue dans le IXe et Victor Hugo dans le XVIe, je disais donc ministre encore, Jules Ferry, comme le fut Édouard Lockroy, un des rares députés qui avaient eu « la conscience de démissionner » pendant la Commune, Beauharnais, Léon Blum, François de Neufchâteau, ministre de l’Intérieur, lui aussi, mais pendant le Directoire, Paul Bert, on pense plutôt au Marché aux Puces de Saint-Ouen, un bailli du Temple, Crussol, deux échevins, Daval et Saint-Sabin, un président du Parlement de Toulouse, Duranti et un président du parlement de Paris, Popincourt, des conseillers municipaux et autres, Léon Frot, Maurice Gardette, Henri Ranvier, La Vacquerie, Merlin, comme il avait collaboré au Code pénal, on a donné son nom à une rue qui longeait la prison, la petite Roquette, Omer Talon, qui n’est sans doute pas le père d’Achille, Pache, Petion, Victor Gelez, Denis Poulot, un consul de Suède, Raoul Nordling, qui s’opposa en 1944 à la destruction de Paris, on a donné son nom au square devant l’église Sainte-Marguerite, et depuis peu un compagnon de la Libération, Charles Luizet ;

les idées générales, la Nation et la République, bien sûr, mais peut-être aussi l’Avenir et la Présentation ;

l’industrie, cité de l’Industrie, cour de l’Industrie, rue des Immeubles industriels, cité industrielle, cour des Fabriques, passage de la Fonderie, les métiers, l’Ameublement, les Taillandiers, qui fabriquaient les outils pour les artisans du meuble, les Jardiniers, et les industriels, Richard-Lenoir, qui avait installé ses ateliers dans l’ancien couvent du Bon Secours, rue de Charonne, Ternaux, qui avait inventé les cachemires, Oberkampf, lui, c’était la toile de Jouy ;

les Léon, Blum, Frot, les Louis, Philippe, Bonnet, Saint, les Auguste, Barbier, Laurent, Philippe, et les Charles, Dallery, Delescluze, Petit, quelques Jules ;

les médecins, Trousseau, Félix Voisin, René Villermé, et un avocat, Gerbier ;

les militaires, le Commandant Lamy, un colonisateur, celui-là a aussi donné son nom à une ville, Fort-Lamy, au Tchad, enfin, ça s’appelle N’Djaména maintenant, les généraux, Général Blaise, Guilhem, les généraux tués pendant la guerre de 1870 à l’emplacement d’anciens abattoirs, il fallait y penser, sans doute un trait d’humour (noir) municipal, Lacharrière, Morand, Renault, Rochebrune, tiens, celui-là n’était que colonel, Chanzy, encore un général, Rampon, un général comte, et Faidherbe, général et colonisateur (encore un) du Sénégal ;

les otages fusillés par les Allemands, Jean-Pierre Timbaud, « courbeur de fer », Léon Frot, on a donné son nom à la rue qu’il habitait ;

les philosophes, Condillac et Spinoza qui encadrent le lycée… Voltaire, les juristes le long de la prison, les philosophes autour du lycée, chacun à sa place, les philosophes, disais-je, et leurs amies, Clotilde de Vaux, la grande passion d’Auguste Comte, morte à trente ans, une femme ;

les plantes, la Roquette, les Primevères, une rue qui s’appelait autrefois rue des Lilas, qu’est-ce qui fait que l’on décide de rebaptiser « rue des Primevères » une « rue des Lilas »?, les Bluets, rue de la célèbre clinique de l’accouchement sans douleur ;

les prêtres, Darboy, archevêque, et Deguerry, curé de la Madeleine, deux des soixante-trois otages victimes de la Commune, si l’on avait donné des noms de victimes de la furie des Versaillais en proportion, il y aurait plus de mille rues pour rappeler leur souvenir, le pasteur Wagner, le Père Chaillet, qui fonda les Cahiers de Témoignage chrétien et qui, lit-on dans le dictionnaire des rues d’Hillairet, évangélisa, pendant la première moitié du XXe siècle, les populations des XIe et XXe arrondissements ;

les prisons, la Roquette, des Roquettes, il y en a même eu deux, la grande et la petite, avec son plan hexagonal, dont il ne subsiste que la porte d’entrée, désormais entrée du jardin public qui l’a remplacée, et la Bastille, n’en parlons pas, il en reste quelques vestiges dans le métro et, pour ceux qui arrivent à les voir au milieu du flot des voitures, quelques pavés qui en marquent l’emplacement, sur la place, franchement du côté du IVe, à l’opposé de l’Opéra qui est, lui, dans le XIIe, et il y avait, à l’époque, toujours côté IVe, un bistrot qui s’enorgueillissait de contenir le « carillon de la Bastille »;

30 décembre 2014
(à suivre)


PS. Il y a une légende de l’illustration dans le post-scriptum de la page images.