Le destin posthume de Perec et de son œuvre me paraît être un des phénomènes les plus singuliers de l’histoire littéraire contemporaine. Disparu en 1982 alors qu’il allait avoir 46 ans, il a eu le rare privilège de ne pas subir cette période d’oubli relatif, épreuve dite du « purgatoire », qui suit traditionnellement la mort d’un auteur. Mieux encore : non seulement il a échappé à cette éclipse, à laquelle pourtant même les plus grands n’échappent pas toujours, mais il a, au contraire, connu une renommée qui n’a cessé de s’amplifier, tandis que l’intérêt suscité par son œuvre n’a fait, si j’ose dire, que croître et embellir. Livres, revues spécialisées, thèses, mémoires universitaires, colloques, expositions, hommages de toutes sortes s’enchaînent et se multiplient, sans que ce phénomène soit limité à la France ou même à l’Europe. Au point que s’est tenu à l’université Mohammed V de Rabat en novembre 2000, un colloque qui a tenté de faire le point sur ce phénomène.[1]
Conséquence bénéfique de cet engouement posthume : il a contribué à modifier en profondeur le regard généralement porté sur l’œuvre. Jusque là en effet, la curiosité de la critique, accompagnant celle du public, s’était successivement concentrée sur quelques livres emblématiques, considérés, chacun dans son genre, comme représentatifs d’un aspect de l’œuvre. Rappelons-les. Il y avait d’abord eu Les Choses (1965), plus ou moins légitimement assimilé à un document sociolologique sur la société de consommation des années soixante, puis La Disparition (1969) roman lipogrammatique qui révéla le Perec acrobate verbal, féru de contraintes oulipiennes. En 1975, ce fut le grand tournant de W ou le souvenir d’enfance , qui retint l’attention tant par son thème autobiographique (la douleur muette d’une enfance saccagée par la guerre) que par sa structure complexe (deux textes différents, apparemment étrangers l’un à l’autre, qui alternent de chapitre en chapitre) : on était loin, apparemment, de la prétendue « vocation sociologique » de l’auteur des Choses, ainsi que des facéties verbales auxquelles on avait d’abord réduit La Disparition. Enfin était venu le tour de ce monument fascinant qu’est laVie Mode d’emploi, dont Italo Calvino, qui a bien connu Perec au sein de l’Oulipo, disait que c’était « le dernier grand événement dans l’histoire du roman ».
Or, désormais, au-delà des quelques titres-phares que je viens de rappeler, c’est toute “l’œuvre”, jusqu’en ses recoins apparemment les plus reculés, qui suscite l’intérêt. Mots croisés, pièces radiophoniques, articles dispersés dans des revues depuis longtemps disparues, entretiens avec divers media, facéties et jeux de toutes sortes, sont l’objet d’éditions, de rééditions, de commentaires, d’interprétations, de gloses infinies. Et le développement de l’Internet n’a fait qu’accentuer encore le phénomène. Comme si s’imposait enfin cette constatation : malgré sa brutale interruption et son apparente dispersion, l’œuvre de Perec forme un ensemble. Et cet ensemble n’est pas une simple juxtaposition due au hasard des commandes éditoriales ou de l’inspiration[2]. Il est le résultat d’un double projet, médité, ruminé, façonné dès les années de jeunesse. Le premier est, comme on le verra plus bas, autobiographique. Le second ne visait à rien moins qu’à une sorte de balisage systématique de la littérature : écrire tout ce qu’il est possible à un homme d’aujourd’hui d’écrire, utiliser tous les mots de la langue française, remplir un tiroir de la Bibliothèque Nationale ont été des ambitions avouées.
Pour s’orienter dans l’œuvre, nécessairement multiforme, issue de la progressive réalisation de ce double projet, pour saisir le mouvement interne qui l’anime, on peut suivre quelques uns des multiples chemins que Perec lui-même a ménagés, de diverses façons, à l’intention de ses lecteurs[3]. Mais il se trouve que les indications de Perec sont suffisamment discrètes, suffisamment nombreuses et suffisamment ambiguës pour laisser en fait, à chaque lecteur, une grande part de responsabilité dans le choix du chemin qu’il désirera emprunter. Le parcours que je veux essayer de suivre avec vous aujourd’hui fait une place importante à deux notions, "la judéité » et « le manque », parce qu’il me semble qu’elles ont en partie façonné le rapport de Perec à sa mémoire ainsi qu’à son identité, et qu’à ce titre elles jouent, conjointement, un rôle important dans sa vie comme dans son œuvre. Mais il va de soi que ce parcours n’est qu’une lecture personnelle, et ne prétend nullement dire une vérité ultime sur la genèse de l’œuvre de Perec ; il reste largement hypothétique, et ne se donne donc que pour l’un des “parcours Perec” potentiels.
1. LA JUDEITE PERDUE
Une observation me semble pouvoir servir de point de départ : sans s’être jamais posé, au sens propre du terme, en théoricien de la littérature (sinon à ses débuts, dans ses quelques articles de l’époque de La Ligne générale[4]) Perec a constamment mené, en marge de ses œuvres et parfois même au cœur de celles-ci, une réflexion critique sur son « travail » d’écrivain. Un travail sur lequel il s’est assez souvent, et assez volontiers, expliqué. « L’épitexte auctorial », comme dit le jargon des théoriciens, est chez lui aussi vaste qu’abondant. Je partirai donc du rapport qu’il a lui-même explicitement établi entre écriture et judéité.
Sur ce rapport, j’ai eu déjà l’occasion de relever, il y a bien longtemps, deux déclarations[5]. La première vient de la partie autobiographique de W ou le Souvenir d’enfance : le projet d’écrire mon histoire s’est formé presque en même temps que mon projet d’écrire[6]. Elle prend un certain relief lorsqu’on la met en parallèle avec cette confidence qui se trouve dans un entretien avec un journaliste : Je crois que j’ai commencé à me sentir juif lorsque j’ai entrepris de raconter l’histoire de mon enfance[7]. Ce que Perec laisse échapper dans ce double aveu, c’est la concomitance, et la quasi-équivalence qui s’est établie, dans son esprit, entre trois éléments : « écrire » - « écrire mon histoire » (essentiellement “raconter l’histoire de mon enfance”) - « me sentir juif ». Ces trois éléments, à savoir le projet d’écriture, le choix d’une autobiographie axée sur l’enfance, et le sentiment d’un certain rapport avec l’identité juive forment en quelque sorte pour lui une série indissociable. Comme s’ils ne représentaient finalement que différents facettes d’une même réalité, différents aspects d’un même acte. Il est donc indispensable de se demander en quoi consiste précisément ce « me-sentir-juif », ainsi proclamé inséparable du projet autobiographique et donc du projet d’écriture même ?
Pour répondre à cette question, le mieux est peut-être de se tourner encore vers les déclarations de Georges Perec et d’examiner comment lui-même a vécu son rapport à l’identité juive, ou du moins comment il a en a rendu compte. Nous avons, sur ce sujet, deux textes significatifs. Le premier est dans l’entretien déjà cité figurant dans la revue L’Arc : «Je suis juif. Pendant longtemps, ce ne fut pas évident pour moi ; ce n’était pas se rattacher à une religion, à un peuple, à une histoire, à une langue, à peine à une culture." Le second est dans le commentaire qui accompagne le film Récits d’Ellis Island (un commentaire qui a été rédigé avec un soin tout particulier, allant jusqu’au choix d’une disposition typographique qui donne au texte l’allure de versets) : "Je ne sais pas très précisément ce que c’est qu’être juif, ce que ça me fait d’être juif. C’est une évidence si l’on veut, mais une évidence médiocre, qui ne se rattache à rien ; Ce n’est pas un signe d’appartenance, ce n’est pas lié à une croyance, à une religion, à une pratique, à un folklore, à une langue"[8].
Inutile de souligner la parenté, ou plutôt le parallélisme étroit, qui existe entre ces deux textes à peu près contemporains. Mais les légères variations que l’on peut relever méritent, je crois, un bref examen. Ces variations apparaissent d’abord dans la référence à l’évidence : le « ce ne fut pas évident pour moi » du premier texte est corrigé, dans le second, en « c’est une évidence si l’on veut, mais une évidence médiocre »; comme si, dans le passage de l’un à l’autre, le premier plus spontané, le second plus réfléchi et plus littéraire, s’était glissé un embryon de prise de conscience : une évidence médiocre, c’est tout de même un peu plus, un peu mieux que pas d’évidence du tout… D’autres variations sont manifestes dans l’ordre et le choix des mots employés pour caractériser le contenu potentiel de la judéité. Nous avons en effet dans un cas : « religion, peuple, histoire, langue, culture »; dans l’autre : « croyance, religion, pratique, folklore, langue ». C’est-à-dire que, de l’une à l’autre déclaration, on retrouve bien la religion et la langue (quoique pas tout à fait à la même place), mais, curieusement, la « culture » a laissé place au « folklore » (ce qui peut à la rigueur se concevoir, le mot folklore étant néanmoins nettement moins noble, si j’ose dire, que le mot culture) et surtout, les mots « peuple » et « histoire » ont disparu, au bénéfice des mots « croyance » et « pratique », lesquels ne font en réalité que gloser le mot « religion ». Je ne prétends certes pas tirer de ces variations des conclusions excessives, mais je crois que, chez un auteur aussi attentif au détail, et s’agissant d’un problème comme celui de l’identité juive, on ne saurait les tenir pour négligeables. Elles n’en donnent que plus de relief à ce qui ne change pas, c’est-à-dire le fait que, dans l’un et dans l’autre texte, Perec ne peut définir son rapport personnel à la judéité autrement que comme une succession de cinq « ce n’est pas’, en un mot comme la somme d’une série de négations , d’autant plus remarquables qu’elles font contraste avec le rapport positif qu’entretient Robert Bober avec cette même judéité.
La question que posent évidemment de tels propos est celle du pourquoi (ou peut-être du comment) d’une pareille situation, inattendue quand on se sait que Perec est fils d’immigrés polonais récents (arrivés à Paris seulement à la fin des années 1920), encore très proches culturellement et linguistiquement de leur judéité native, que sa mère, en tant que juive, a été déportée et a disparu dans un camp nazi. Qu’est-ce qui a donc pu le mener à être ainsi réduit à ce qu’il faut bien appeler ce "degré zéro de la judéité » ? Grâce à ce que nous savons de la situation des Juifs français après la guerre, grâce aussi aux informations contenues dans la biographie de D. Bellos[9] ou dans la correspondance avec J. Lederer[10], grâce enfin aux déclarations de Perec lui-même, on peut entrevoir une réponse.
D’abord, il y a, bien sûr, le fait que, séparé très tôt de ses parents, Perec n’a pas eu l’occasion de recevoir l’embryon d’éducation juive qu’ils lui auraient peut-être donnée. Il y a d’autre part le fait que, dans la famille de sa tante Esther Bienenfeld, chez qui il est recueilli après la guerre (recueilli et non pas “adopté” comme il l’écrit lui-même parfois[11]), la volonté d’assimilation à la France est forte, et l’identité juive a été bannie sans remords. Sans doute faut-il aussi évoquer l’impact encore proche des Réflexions sur la Question juive de Sartre qui étaient venues à point nommé donner corps à l’idée que le juif n’est juif que par le regard de l’autre. Rien d’étonnant donc si Perec arrive à l’âge adulte avec une quasi-totale ignorance du judaïsme. De plus, tout au long de ses années de formation (du milieu des années cinquante au début des années soixante), il va se trouver plongé dans un milieu (le groupe d’étudiants de la Ligne générale) principalement marqué, sur le plan idéologique, par la fascination pour le socialisme et la révolution : fascination qui se traduit par une exigence permanente et passionnée de justice, un goût affirmé de l’universel.
C’est au cours de cette période que se développe, chez le jeune Perec qui a décidé « d’occulter son enfance », de « refuser son passé"[12], une sorte d’allergie au judaïsme, dont il ne peut accepter l’héritage religieux, incompatible évidemment avec son idéal de laïcité, ainsi qu’au sionisme dont il ne peut accepter l’aspect nationaliste, incompatible avec ses choix résolument internationalistes. C’est ainsi que, pour lui, la judéité n’apparaissait plus que comme un simple détail de généalogie : la vague conscience d’être « juif » parce que l’on a eu des parents « juifs » devenant le contenu unique de la judéité. Position qui ne lui était pas propre : elle était plus ou moins partagée par un certain nombre d’intellectuels juifs dans la société française.
Mais à la longue, cette position n’a pas paru à tous aussi confortable qu’elle le paraissait. C’est que cette judéité dont ils se savaient porteurs, cette judéité minimale, cette judéité réduite à presque rien, n’en était pas moins productrice, dans leur vie, d’effets, et d’effets qui apparaissaient sans commune mesure avec cette inconsistance proclamée. Car ce presque-rien était un mot, un nom par ailleurs lourd de toute une histoire, un nom partagé avec tous ceux qui continuent à lui donner un contenu positif. Un nom, en somme, qui contribue à maintenir vivace chez beaucoup le sentiment d’une différence. Mais, et c’est là peut-être la nouveauté de l’époque, il ne s’agit plus tellement, comme au temps où se posait avec acuité la "question juive », d’une différence par rapport à autrui, au non-juif. Il s’agit désormais d’une différence plus sourde, plus lancinante, celle qui sépare le juif dit « assimilé » de tout le passé juif, et donc, d’une certaine façon, d’une partie de lui-même. Perec le dit explicitement : Quelque part, je suis étranger par rapport à quelque chose de moi-même ; quelque part, je suis « différent », mais non pas différent des autres, différent des « miens[13].
Ainsi est progressivement revenu au premier plan, pour de nombreux juifs qui croyaient pourtant s’en être débarrassés, le problème de l’identité. Ce qu’exprime ce mot de J. Derrida : "Juif serait l’autre nom de cette impossibilité d’être soi"[14]. Ce doute sur l’identité, et la fêlure qu’il introduit, ne restent évidemment pas sans conséquences. Divers écrivains ou intellectuels juifs l’ont ressenti et pour eux, la sensation d’être privé d’appartenance, d’être en rupture de quelque chose qui aurait pu être et qui n’est pas, le sentiment aigu d’un manque, vont devenir des thèmes familiers. Quelques citations, entre lesquelles la convergence est frappante, suffiront pour illustrer cet état d’esprit. E. Jabès : »J’ai l’impression de n’avoir d’existence que hors de toute appartenance. Cette non-appartenance est ma substance même. […] Cette non-appartenance, par la disponibilité qu’elle me laisse, est aussi ce qui me rapproche de l’essence même du judaïsme et d’une façon générale du destin juif"[15]. Ou bien encore, cette reprise du thème en des termes légèrement différents : «C’est… mon impossibilité d’être un « juif paisible », apaisé, ancré dans ses certitudes, qui a fait de moi le juif que je crois être. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est précisément dans cette coupure dans cette non-appartenance en quête de son appartenance que je suis sans doute le plus juif"[16]. A. Finkielkraut : « Ce qui fait de moi un juif, c’est la conscience aiguë d’un manque, une absence entretenue ».[17] Perec ne dit finalement pas autre chose : « Ce qui pour moi se trouve ici (i. e. à Ellis Island), ce ne sont en rien des repères, des racines ou des traces mais le contraire : quelque chose d’informe, à la limite du dicible, quelque chose que je peux nommer clôture ou scission ou coupure et qui est pour moi très intimement et très confusément lié au fait même d’être juif"[18]. Georges Perec semble bien avoir fait le même chemin qu’une partie des intellectuels juifs de l’après-guerre : un chemin qui commence dans le confort (au moins apparent) de l’ignorance et du refus, et qui aboutit à l’inconfort lié au sentiment d’une rupture, d’une non-appartenance, d’un manque. Mais chez lui, un des aspects au moins de ce manque originel et multiforme est précisé, explicité, comme dans ce fragment d’interview : "En fait, (être juif) c’était la marque d’une absence, d’un manque (la disparition de mes parents pendant la guerre), et non pas d’une identité, au double sens du terme : être soi, être pareil à l’autre"[19]. Ce qui le fait être juif se situe donc à la jonction d’un double manque, d’un double deuil : deuil d’une mémoire étouffée (puisque "l’Histoire avec sa grande hache » a réduit à néant le passé), deuil d’un futur qui a cessé d’être imaginable (le juif qu’il aurait pu être, semblable aux autres juifs).
2. DU MANQUE A L’ÉCRITURE
ou L’ESTHÉTIQUE DU MANQUE
Face au manque, comment réagir ? On peut à nouveau mettre en parallèle le parcours de Perec avec celui, par exemple, d’un Jabès. Jabès en effet n’hésite pas à déclarer : « C’est à partir d’un manque que nous décidons d’écrire, que nous parlons."[20] Perec, de son côté, a plusieurs fois dit, notamment dans W, comment il percevait son propre cheminement vers l’écriture. Dans le texte servant de prière d’insérer à W, il désigne expressément "la rupture » comme « le lieu initial d’où est sorti ce livre ». Et dans le corps même du livre, il précise qu’au départ, il y a eu la sensation d’une cassure, d’une brisure, d’une fracture, d’une rupture : « je fus précipité dans le vide, tous les fils furent rompus », écrit-il, évoquant son expérience du saut en parachute. C’est donc par le biais de l’écriture qu’il peut s’affronter à ce qu’il a défini comme un manque « qui n’est pas manque de quelque chose mais manque premier sur lequel il faut bien vivre ». Et l’on ne peut que rappeler encore ici une déclaration bien des fois citée. Parlant de ses parents, Perec affirme : « J’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture : leur souvenir est mort à l’écriture ; l’écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie"[21]. Est-il besoin de souligner que la "marque indélébile » à laquelle il est ici fait allusion ne peut être que « le manque » : disparition des parents, mais aussi disparition du souvenir ?
Mais ce n’est pas tout : le lien ainsi établi entre le manque et l’écriture va apparaître aussi à un autre niveau, plus général. Ainsi, lorsqu’il veut se situer par rapport à la littérature en général, définir les rapports de son œuvre personnelle à cette littérature, Perec recourt volontiers à une image fortement signifiante, et qui à ce titre apparaît de façon récurrente aussi bien dans ses livres que dans ses déclarations, celle de la « pièce manquante du puzzle », c’est-à-dire celle d’un vide qu’il faut remplir. Car, comme le dit justement B. Magné, « l’entour fait trou[22], qu’il faut combler par l’écriture’'[23]. L’écriture, qui dit le manque, va s’efforcer de remplir tout l’espace libre : elle va devenir elle-même inlassable inventaire des objets à posséder, des espaces à occuper. Mais elle va aussi engendrer une sorte de frénésie dans le goût de l’exhaustivité, qui se déploiera par le recours à des systèmes combinatoires particulièrement savants, ainsi que dans la recherche de la "saturation », qui deviendra l’une des marques du style perecquien.
Une fois qu’il a ainsi déclenché le processus de l’écriture, le « manque » n’a encore accompli qu’une part, certes importante, voire déterminante, de sa fonction chez Perec : la part suivante va consister à affirmer sa présence dans les produits même de cette écriture. Toute l’originalité de Perec en ce domaine va consister dans son extraordinaire aptitude à la manipulation littéraire du manque, qui sera utilisé de toutes les façons possibles.
1. Le manque comme thème
Apparu comme moteur de l’écriture, le manque va d’abord en devenir, tout naturellement, l’incontournable thème. C’est ici La Vie mode d’emploi, dans la mesure où elle porte en elle des reflets de toute l’œuvre antérieure, qui va nous fournir les exemples les plus probants de ce que l’on a pu appeler une très massive isotopie du manque : cette prolifération du manque, dans ses incarnations concrètes aussi bien que dans ses nombreux équivalents métaphoriques. B. Magné s’est un jour amusé à imaginer, sur le mode perecquien, une « tentative d’inventaire de quelques uns des mots évoquant le manque trouvés dans La Vie mode d’emploi au fil de la lecture » et il commence ainsi la liste de ces trouvailles : « découpe, ajour, espace, intervalle, élimination, sape, vide, fissure, naufrage, absence, perdition, etc. ». Il fait entrer dans le même inventaire « la série des pièces vides, les innombrables objets cassés, dépareillés (de la tasse ébréchée au squelette manchot en passant par les cartes aux inscriptions effacées et les livres aux pages arrachées), les personnages mutilés (de Morellet, le chimiste qui a perdu trois doigts, au docteur Kolliker, l’homme tronc sourd et muet, en passant par les chats mâles de la maison (…) qui sont des chats coupés, les veufs, les orphelins, les délaissés, les abandonnés"[24] Et l’on peut même aller plus loin et rappeler, avec B. Magné, que l’un des personnages essentiels du roman, le peintre Valène (qui avait, dans une première version de VME,, la lourde responsabilité d’être le narrateur du récit), est fortement marqué par le manque : dans sa parole d’abord, puisque, nous dit-on, quelques semaines avant sa mort, il "perdait ses mots, laissant ses phrases en suspens"[25] et jusque dans la structure de son nom, qui est, comme par hasard, l’anagramme de ENLEVA…
On peut se demander comment cette prolifération de la thématique du manque peut trouver sa place dans le livre, en d’autres termes, au service de quelles fins romanesques elle est mise. La réponse est intéressante, dans la mesure où elle témoigne du savoir-faire littéraire de Perec. A y regarder de près, cette sur utilisation du manque semble bien avoir été chargée d’une fonction importante : celle de produire ou d’accentuer certains effets de réel. Il faut ici rappeler ce que dit Perec à ce sujet lorsque, dans un tout autre contexte, il analyse les procédés qui rendent efficace la technique picturale du trompe-l’oeil : "Tout ce que l’on mettrait spontanément, naturellement, du coté de la vie, de la nature, et non pas du côté de l’art, de l’artifice, c’est-à-dire en vrac, le désordre, I’usure, la patine, la poussière, I’un-peu sale, l’accidentel, le petit défaut, I’irrégularité, etc., sera très précisément mis en place, mis en scène pour bien signifier à notre œil ébaubi et sidéré que l’on est dans la réalité vivante et vibrante : une porte légèrement entrebâillée, une fenêtre à peine entrouverte, un rideau imparfaitement tiré, un volet qui ferme mal font beaucoup plus "vrais », non pas tant parce qu’ils sont un peu plus difficiles à peindre a cause des effets de perspective - et que par conséquent le peintre y prend davantage de risques - que parce que l’entrebâillement de la porte ou de la fenêtre nous invitera fortement à croire que la maison est habitée"[26]. Transposons de la peinture à l’écriture, comme Perec lui-même aime à le faire. Et nous arrivons à l’hypothèse que, dans le roman, c’est le « manque » qui jouerait précisément le rôle qui, dans le trompe-l’oeil, est dévolu à l’usure, à la patine, à l’irrégularité. Comme le suggère B. Magné, « il (c’est-à-dire toujours le manque) aurait alors pour but paradoxal de remplir l’immeuble, d’y assurer la présence d’un vécu en en multlipliant les traces ».
2. Deuxième temps : le manque comme stratagème
Mais ce qui fait l’originalité principale de Perec, à mes yeux, n’est pas là. Que, de la somme des manques que lui a imposés son vécu, il ait su faire successivement, comme on vient de le voir, un des moteurs de son écriture, un des thèmes récurrents de son œuvre principale et enfin un moyen subtil de produire des effets de réel, c’est finalement une habileté qu’il partage avec d’autres écrivains. Il n’en est pas tout à fait de même pour une autre de ses qualités : son aptitude à transformer un thème en stratagème, autrement dit sa capacité à faire en sorte que ce qui est en général simple objet de l’écriture devienne, entre ses mains, générateur d’écriture. Dans le cas du manque, cette utilisation a pris diverses formes, dont certaines, nous allons le voir, particulièrement sophistiquées. Nous les regrouperons, plus ou moins arbitrairement, sous deux rubriques : le manque comme générateur de structures narratives, le manque comme générateur de nouvelles formes littéraires.
2. 1. Le manque comme générateur de « structures narratives ».
Difficile de ne pas rappeler ici le cas de La Disparition. Ce qui fait la force singulière de ce roman, ce n’est pas seulement le fait qu’il soit un gigantesque lipogramme, qui ampute l’alphabet français de sa lettre la plus employée, c’est aussi, et à mes yeux surtout, le fait que, d’un bout à l’autre, le récit ne parle que de ce manque. Tous les personnages, tous les épisodes tournent obstinément autour d’un unique thème, qui est précisément la mystérieuse disparition d’une lettre, laquelle ne peut évidemment jamais être nommée, mais seulement suggérée. Le lipogramme n’est donc pas seulement ici une simple contrainte d’écriture comme les Oulipiens aiment à s’en donner, il est aussi le générateur du récit lui-même.
De cette utilisation du manque comme générateur de structures narratives, La Vie mode d’emploi va nous fournir d’autres exemples.
On sait d’abord que le roman n’a que 99 chapitres au lieu des 100 qui étaient attendus : il « manque » donc un chapitre, que Perec a volontairement sauté et dont il a, à diverses reprises dans ses déclarations, signalé l’absence, car cette absence est évidemment porteuse de sens[27]. Mais ce n’est pas tout. Le roman ainsi amputé comporte nombre d’histoires incomplètes, de projets inaboutis, qui y jouent un rôle central. Il en va ainsi du projet même de Bartlebooth, autour duquel est construite la narration, et qui demeure, on le sait, inachevé. Non seulement le milliardaire, au moment de sa mort, n’aura pas reconstitué les 500 puzzles qu’il avait patiemment fait confectionner à partir des aquarelles peintes par lui-même , mais il ne parviendra pas même au terme du 439ème de ces puzzles. On se souvient de la scène sur laquelle s’achève le dernier chapitre du roman : « C’est le vingt-trois juin mille neuf cent soixante-quinze et il va être huit heures du soir. Assis devant son puzzle, Bartlebooth vient de mourir. Sur le drap de la table, quelque part dans le ciel crépusculaire du quatre cent trente-neuvième puzzle, le trou noir de la seule pièce non encore posée dessine la silhouette presque parfaite d’un X. Mais la pièce que le mort tient entre ses doigts a la forme, depuis longtemps prévisible dans son ironie même, d’un W "[28]. De façon très significative, nous trouvons à nouveau l’inachèvement à la fin de l’épilogue, c’est à dire exactement dans les dernières phrases du livre. Il s’agit cette fois du tableau de Valène, ce fameux tableau qui aurait dû normalement contenir la représentation de tout l’immeuble de la rue Simon-Crubellier, "la longue cohorte de ses personnages, avec leur histoire, leur passé, leurs légendes "[29] Or voici comment se présente ce tableau au moment de la mort du peintre : "La toile était pratiquement vierge : quelques traits au fusain, soigneusement tracés, la divisaient en carrés réguliers, esquisse d’un plan en coupe d’un immeuble qu’aucune figure, désormais, ne viendrait habiter"[30]. Ce double inachèvement, ce double manque final oblige évidemment le lecteur à relire autrement, et à comprendre autrement le livre qu’il vient de finir.
Mais le plus original peut-être dans La Vie mode d’emploi, c’est l’usage qui est fait du "manque » parmi les contraintes qui régissent le roman. Rappelons d’abord brièvement ce que sont ces contraintes. Chaque chapitre est, on le sait, sous-tendu par une liste de 42 éléments, qui doivent nécessairement y figurer. Ces éléments peuvent concerner aussi bien le contenu narratif (par exemple : position, activité, âge, sexe, lieu, époque, des personnages) que les traits formels (par exemple longueur, citations cachées) du chapitre. Ces 42 éléments sont groupés par deux, et constituent en fait 21 paires. Chaque paire est choisie dans une série de listes de 10 éléments ; il y a donc 21 paires de listes. Le choix est déterminé par la contrainte dite « du carré bilatin orthogonal d’ordre 10 », qui permet, pour chaque paire d’éléments, de répartir sans répétition, dans les cent chapitres, les cent combinaisons possibles[31] . Or, parmi ces 21 paires de listes, il en est une qui joue un rôle particulier, la vingtième : elle regroupe les catégories intitulées MANQUE et FAUX. Contrairement aux autres, elle ne produit pas directement d’éléments narratifs ou formels ; elle ne sert qu’à produire, pour chaque chapitre, des modifications portant sur certains des éléments que le réglage initial avait d’abord permis de retenir pour ce chapitre. Nous sommes donc passés de la contrainte à ce qu’on a pris l’habitude d’appeler une « métacontrainte » (une contrainte qui porte sur une contrainte). Un exemple : dans le chapitre 36, le jeu normal de la combinatoire imposait la présence, dans la catégorie « mobilier », de l’élément « bahut »; mais il se trouve que, dans ce chapitre, l’intervention du « manque » tombe sur cet élément ; elle va modifier le programme initial, et il n’y aura donc pas, dans ce chapitre, le bahut attendu… C’est de la même façon que fonctionne le FAUX : il oblige à remplacer par un autre l’élément sur lequel il porte.
Ici encore, il faut se poser la question que nous avions soulevée à propos de la prolifération de la thématique du manque. A quoi peut correspondre, dans la stratégie littéraire perecquienne, l’introduction, au nombre des éléments figurant obligatoirement dans chaque chapitre, des deux catégories du MANQUE et du FAUX ? Une réponse, qu’on peut dire technique, est suggérée par Perec lui-même : il s’agit pour lui, a-t-il expliqué à diverses reprises, de briser l’excessive rigueur du système de contraintes qu’il a mis en place, de le pervertir de l’intérieur, en un mot, d’en fausser le mécanisme[32]. On reconnaît là ce que les Oulipiens, empruntant le mot à la physique d’Epicure (et accessoirement à la pataphysique d’Alfred Jarry), appellent le clinamen[33]. Mais cette réponse suscite aussitôt une seconde question : pourquoi avoir choisi d’introduire le clinamen précisément sous cette forme-là ? Il y a, dans l’arsenal des Oulipiens, bien d’autres procédés pour desserrer l’étau des contraintes, et on peut être sûr que Perec avait assez d’imagination pour en inventer encore d’inédits s’il l’avait vraiment voulu. Il n’est donc pas interdit de penser que la motivation que nous cherchons ne relève pas de la seule technique oulipienne, mais bel et bien d’obsessions proprement perecquiennes et qu’elle s’inscrit donc dans cette esthétique du manque dont nous commençons maintenant à voir les contours.
2. 2. Le manque comme générateur de formes littéraires
Nous abordons ici la dernier étage de l’édifice que Perec a construit sur le manque, un étage qui lui appartient en propre. C’est au niveau des lettres, dont on sait combien il aime à les manipuler, que Perec va cette fois se situer. Sa démarche s’inscrit ici dans le droit fil de ce que nous avons pu voir à propos La Disparition.. S’inspirant en effet du principe du lipogramme, qui consiste introduire le manque dans l’alphabet en l’amputant d’un de ses éléments, Perec va, au fil des années, à la fois systématiser et diversifier ce principe. Ce qui va lui permettre de créer et d’illustrer une série de « formes poétiques » nouvelles, qui ont un point commun : elles reposent toutes sur l’utilisation d’alphabets restreints. Mais la règle qui préside à ces amputations n’est pas toujours la même. Et nous avons donc affaire à des alphabets diversement restreints. En voici les principaux exemples.
Les poèmes hétérogrammatiques : ces poèmes reposent sur une réduction drastique de l’alphabet, qui est ramené, selon les recueils, à un chiffre qui va de onze à seize lettres, où figurent toujours les dix qui sont le plus fréquemment utilisées en français : e, s, a, r, t, i, n, u, l, o. Mais cette contrainte est rendue beaucoup plus difficile par la contrainte supplémentaire de l’hétérogramme[34].
Les Beaux présents : on s’astreint ici à n’utiliser que les lettres du nom de la personne que l’on veut honorer. L’épithalame, qui est une variété de « beaux présents » offerte à de nouveaux époux, est construit à partir des seules lettres de leurs noms réunis. Ce que Perec justifie joliment : « c’est comme si le mariage les faisait entrer de concert dans une langue à eux seuls commune »
Quant à la Belle absente, elle obéit à une autre logique : elle repose sur le principe d’un alphabet simplifié, amputé des lettres k, w, x, y, z. Dans chacun des vers du poème, toutes les lettres de l’alphabet doivent apparaître, sauf une : celle qui, vers après vers, inscrit en creux dans le poème le nom dissimulé de la dédicataire[35]. C’est donc ici l’absence des lettres du nom de la belle qui assure sa présence dans le poème.
Conclusion : Quand « le moins devient le plus »
Ce qui apparaît à l’évidence au terme de ce parcours, c’est la complexité de la nébuleuse littéraire que Perec a su construire autour de la notion de manque, prise dans toutes ses acceptions possibles. Ce faisant, il a accompli ce qui est, en tous cas à mes yeux, l’un des rares tâches qui vaillent la peine d’être menées par un écrivain : transformer le manque en plénitude, substituer, à la souffrance imposée par l’histoire, une jubilation méticuleusement conquise. Comme les Oulipiens qui vont chercher leur liberté d’écrivains dans l’arbitraire des contraintes qu’ils s’imposent, il va faire du manque l’instrument de sa fécondité. On songe bien sûr aux vers de R. Queneau que Perec connaissait bien :
De tous les coups du sort j’ai su faire une fable
Le moins devient le plus, consolante inversion
Mais on peut aussi mettre cette attitude en relation avec au moins l’une des étapes importantes du parcours idéologique évoqué plus haut. Ne peut-on pas considérer que, par cette reconnaissance du « travail du négatif », Perec est resté inconsciemment fidèle sinon au marxisme, du moins à l’hégélianisme, de ses années de jeunesse ? Je ne saurais mieux conclure qu’en rappelant une déclaration, souvent citée par les commentateurs, où Perec présente à sa façon le regard qu’il porte, rétrospectivement, sur l’ensemble de sa production littéraire :
"Même si ce que je produis semble venir d’un programme depuis longtemps élaboré, d’un projet de longue date, je crois plutôt trouver - et prouver - mon mouvement en marchant : de la succession de mes livres naît pour moi le sentiment, parfois réconfortant, parfois inconfortable (parce que toujours suspendu à un « livre à venir », à un inachevé désignant l’indicible vers quoi tend désespérément le désir d’écrire), qu’ils parcourent un chemin, balisent un espace, jalonnent un itinéraire tâtonnant, décrivent point par point les étapes d’une recherche dont je ne saurais dire le « pourquoi » mais seulement le « comment »: je sens confusément que les livres que j’ai écrits s’inscrivent, prennent leur sens dans une image globale que je me fais de la littérature, mais il me semble que je ne pourrai jamais saisir précisément cette image, qu’elle est pour moi un au-delà de l’écriture, un « pourquoi j’écris » auquel je ne peux répondre qu’en écrivant, différant sans cesse l’instant même où, cessant d’écrire, cette image deviendrait visible comme un puzzle inexorablement achevé"[36].
[1]Les actes de ce colloque ont été publiés sous le titre L’œuvre de Georges Perec Réception et mythisation, Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines, série colloques et séminaires n° 101, Rabat 2002
[2]Au demeurant, Perec, en tant qu’oulipien, ne croyait guère au hasard ni à l’inspiration.
[3] Il faut évidemment se souvenir ici de la formule de Klee, souvent citée par les commentateurs, qui sert d’exergue au préambule de la Vie mode d’emploi, : « L’œil suit les chemins qui lui sont ménagés dans l’œuvre"
4 Rappelons ce qu’était la Ligne Générale : un groupe de jeunes, étudiants ou assimilés, qui désiraient créer une revue visant à refonder, ou plutôt à fonder enfin, une véritable esthétique marxiste, en rupture aussi bien avec le jdanovisme du prétendu "réalisme socialiste » qu’avec l’éclectisme invertébré qui, en France, lui avait succédé. La revue, qui ne voulait ni s’inféoder au parti communiste ni entrer en conflit ouvert avec lui, n’a jamais pu voir le jour en tant que telle. Ce qui n’empêcha pas le groupe de demeurer longtemps actif, et de parvenir à faire publier quelques uns de ses travaux dans diverses revues, notamment dans Partisans
[5]"Perec et la judéité", Cahiers Georges Perec, 1, 1984, 15-30 (traduction anglaise : « Perec’s Jewishness », The Review of Contemporary Fiction, XIII, 1, 1993, 76-87
[6]W ou le Souvenir d’enfance, p. 41
[7]L’Arc , p. 9
[8]G. Perec et R. Bober, Récits d’Ellis Island p. 43
[9]D. Bellos, Georges Perec,Une vie dans les mots, Le Seuil, 1994. Il faut cependant compléter, et parfois corriger, certaines des informations contenues dans ce livre : voir Bianca Lamblin, La Biographie de Georges Perec par David Bellos, Lecture critique, Le Jardin d’essai, 2000 ainsi que les Cahiers Georges Perec, n° 7, 2003
[10]G. Perec et J. Lederer, Cher, très cher, admirable et charmant ami, Flammarion ,1997
[11]Une adoption en bonne et due forme n’était pas légalement possible.
[12]Entretien avec E. Pawlikowska, Littératures,7 , 74-75
[13] Ellis Island, p. 44
[14]J. Derrida, L’écriture et la diff’érence, p. 112
[15]E. Jabès,Du désert au livre, Belfond, 1980, p. 52-53
[16]Du désert au livre, p. 96-97
[17]A. Finkielkraut,Le Juif imaginaire , p. 129
[18]Récits d’Ellis lsland, p. 92
[19]L’Arc , p 9.
[20]E. Jabès, loc. cit.
.[21]W, p.59. Soulignons que cette fonction de l’écriture comme lien avec les morts, se retrouve chez d’autres auteurs juifs contemporains, par exemple chez Elie Wiesel : « Ainsi pour moi, I’acte d’écrire n’est souvent pas autre chose que le désir violent ou obscur de graver quelques mots sur une pierre tombale » (Chants des morts, Le Seuil, 1966, p. 53).
[22]On connaît l’importance de cette notion de trou chez Perec, liée à l’étymologie hébraïque de son nom : Peretz étant en hébreu lié à l’idée de trou
[23]B. Magné, « Le puzzle mode d’emploi », Perecollages, p. 44
[24]Id., Ibid.
[25] La Vie mode d’emploi, p.601
[26]G. Perec et Cuchi White, L’œil ébloui
[27]B. Magné
[28] La Vie mode d’emploi, p.600
[29]La Vie mode d’emploi, p.292
[30]La Vie mode d’emploi, p. 602
[31] G. Perec s’est expliqué sur ces points dans « Quatre figures pour la Vie mode d’emploi, L’Arc, 76, p.50-53
[32]Voir, entre autres, les déclarations faites à E. Pawlikowska, Littératures, 7, 1983, p. 70
[33]Sur l’usage perecquien du clinamen, voir les diverses remarques de B. MAGNE, Perecollages, p. 45 ; 120 ; 158 ; 226 ; 537 ; ainsi que M. Benabou, "Les ruses du clinamen », communication au Colloque de Limoges, avril 1990 (inédit)
[34]Rappelons qu’un hétérogramme « est un énoncé qui ne répète aucune de ses lettres » (Atlas de littérature potentielle, , p. 231). Sur toute cette partie de la production poétique de Perec, je ne puis que renvoyer au travail exhaustif de M. Ribière et B. Magné, « Les poèmes hétérogrammatiques », Cahiers Georges Perec, 5, éd. du limon, 1992
[35]G. Perec, Beaux présents, belles absentes, Le Seuil, 1994
[36] « Notes sur ce que je cherche » (Le Figaro, 8 déc. 1978, repris dans Penser/Classer, 9-12) Déclaration souvent citée par les commentateurs, puisque c’est une de celles où Perec présente le plus clairement le regard qu’il porte, rétrospectivement, sur l’ensemble de sa production littéraire