Lycée Louis-le-Grand, Paris, octobre 1956.
C’était, j’en suis à peu près sûr, un lundi matin. Le tout premier lundi suivant la rentrée scolaire, qui se faisait encore en ce temps-là (certains lecteurs s’en souviendront peut-être) au bon mois d’octobre[1]. La seconde heure de notre cours de philosophie était à peine entamée. Notre professeur, un homme affable, bas sur pattes, féru de pédagogie active et qui, contrairement à bien de ses collègues, semblait avoir depuis longtemps compris qu’un cours doit être aussi un spectacle, où les gestes, les attitudes, les mimiques comptent tout autant que la voix, avait entrepris d’interpréter pour nous, à sa façon, la deuxième des Méditations métaphysiques. Descendu de son estrade, un Descartes dépenaillé à la main, il marchait à petits pas en déclamant son texte avec toute la conviction requise.
“ Qu’est-ce donc qui pourra être estimé véritable ? (une pause, et un long regard circulaire sur la classe, attentive et muette) Peut-être rien autre chose, sinon… (un bref silence, puis, d’une voix forte, et en détachant chaque syllabe) qu’il-n’y-a-rien-au-mon-de-de-cer-tain. (une nouvelle pause, accompagnée d’un petit sourire modestement triomphant) Mais que sais-je s’il n’y a point...” (la voix a repris son essor, prête à grimper vers les hauteurs).
Soudain, blouse immaculée et trogne rubiconde, un appariteur[2] apparut. Il était entré sans frapper, portant un minuscule billet rose saumon. Le professeur, en pleine envolée, fut bien obligé de s’interrompre, ne cachant pas sa surprise, et à peine son agacement. Tous les regards se tournèrent vers l’importun. Nullement gêné, l’homme en blanc tendit, sans un mot, le billet rose au professeur. Celui-ci s’en saisit sans enthousiasme, entre le pouce et l’index de sa main droite. Avec une certaine méfiance, il en examina le contenu, ne put retenir une moue ostensiblement dubitative, puis se dirigea, de son pas lent, vers la table que nous occupions tout au fond de la classe, mon cousin et moi.
"C’est pour vous », lâcha-t-il en nous fixant.
« Vous êtes convoqués tous les deux chez monsieur le Proviseur", ajouta-t-il aussitôt, d’une voix qui se voulait empreinte de solennité.
Sur le visage de mon cousin comme sur le mien devait sûrement se lire, à cet instant, la même vive surprise, et la même immense perplexité. Et comme ni lui ni moi ne faisions le moindre geste, notre bon pédagogue se fit plus explicite :
"Immédiatement. Oui, il faut y aller immédiatement. L’appariteur va vous y conduire".
Pendant que nous nous dirigions vers la sortie, un léger brouhaha s’éleva parmi nos camarades. Les « anciens », ceux qui croyaient bien connaître les us et coutumes de leur chère « boîte », étaient intrigués par une procédure qui leur semblait étrange. Ils s’interrogeaient : quel délit, quel crime avaient donc pu commettre les deux “nouveaux”, moins d’une semaine après la rentrée, pour justifier une convocation aussi comminatoire chez la plus haute autorité du lycée ? Monsieur le Proviseur, un personnage quasi mythique, que la piétaille lycéenne n’avait quasiment jamais l’occasion d’apercevoir ! C’était sans précédent, ça ne présageait rien de bon, pensaient-ils. Et ils ne pouvaient se retenir de susurrer sur-le-champ à leurs voisins immédiats, pour qu’ils les transmettent aux suivants, ces pensées pour le moins pessimistes.
Quant à nous, que pouvions-nous faire sinon, bien sûr, obtempérer ? L’heure n’était pas encore venue d’entrer en résistance. Alors, tête baissée, front soucieux, nous étions partis. Emboîtant mécaniquement le pas à l’appariteur, nous enfilions en silence des couloirs et des escaliers dans des bâtiments encore inconnus de nous, déserts à cette heure de la matinée. Nous parvenaient parfois par bribes, à travers une fenêtre entrebaillée, quelques formules plus ou moins intelligibles sorties de la bouche des professeurs dont nous longions la salle de classe.
Nous étions atterrés. Passé le premier moment de surprise, nous avions vite fait de mettre en relation cette étrange convocation avec notre mésaventure du samedi soir précédent, en nous étonnant qu’un incident aussi minime, qui était plutôt du ressort du censeur, voire d’un simple surveillant général, ait pu prendre de telles proportions. Voici en effet ce qui était arrivé.
*
Nous venions d’achever notre première semaine à l’internat, au sein duquel notre situation, dès le premier soir, n’avait pas manqué de paraître, aux yeux de nos nouveaux camarades, quelque peu insolite : les commodités (toutes relatives, on le verra) de l’internat étaient en principe réservées aux « prépas », les élèves des classes préparatoires ; or, prépas nous n’étions pas, puisqu’il nous restait à franchir le cap du baccalauréat. Mais la qualité de nos dossiers scolaires avait amené l’administration à nous accueillir quand même, en nous associant, pour le dortoir et le réfectoire, aux élèves d’hypokhâgne. Ainsi, dans la stricte hiérarchie, fondée sur l’ancienneté, qui régisssait les rapports entre internes[3], nous occupions un rang plus que subalterne : même pas « bizuths », nous étions une sorte de corps étranger, affublés pour cette raison du nom quasi infamant d’« infras ». Situation inconfortable, qui nous obligeait à évoluer dans deux mondes bien différents : une partie de nos journées se passait avec nos condisciples de la classe de philosophie, externes et généralement parisiens des beaux quartiers, l’autre partie avec les hypokhagneux de l’internat, généralement provinciaux et bûcheurs. N’appartenant vraiment à aucun des deux, nous nous sentions en porte à faux.
La semaine avait été dure pour nous, bien au-delà de nos attentes, bien au-delà de nos craintes. Tout frais débarqués de notre lumineux Maroc natal, nous nous étions sentis fortement dépaysés dans l’humide grisaille de l’automne parisien. Et tellement déçus par les conditions de vie, aussi archaïques qu’inconfortables, qui nous avions trouvées au lycée : une véritable plongée dans un misérabilisme très dix-neuvième siècle, qui avait laissé incrédules et sans voix les enfants gâtés que nous avions toujours été. Balzac et Vallès n’étaient vraiment pas loin ! Nous n’avions même pas, pour nous consoler un tant soit peu, le recours de nous en prendre à nos familles, de les accuser de nous avoir imposé cette épreuve imméritée. Bien au contraire, nous ne pouvions nous en prendre qu’à nous-mêmes, puisque nous étions seuls responsables de notre présence ici. Il était entendu depuis toujours que nous partirions pour Paris au moment d’entamer nos études supérieures, donc après le bac. C’était la règle. Mais le rêve parisien nous taraudait tant, depuis le début de notre adolescence, que nous avions considéré comme une chance, un vrai cadeau du ciel, de pouvoir, par un heureux concours de circonstances (la qualité de nos résultats scolaires en première), bousculer ce trop sage calendrier et partir un an plus tôt. C’était notre façon à nous de « devancer l’appel », comme nous disions. Notre consternation n’en était donc que plus forte.
Aussi avions-nous décidé de profiter de la soirée et de la nuit du samedi, que nous avions attendue comme une promesse de délivrance, pour nous « aérer un peu ». Nous en avions imaginé le plan au fil de conversations répétées, le soir, au dortoir, au milieu du brouhaha qui précédait rituellement l’extinction des feux. Echanges parfois un peu animés car, malgré notre extrême proximité (on nous appelait depuis des années « les inséparables »), mon cousin et moi ne portions pas toujours le même regard sur les choses, et nous peinions souvent à nous mettre d’accord sur certains points, même minuscules. Au final, nous étions cependant parvenus à un plan qui nous satisfaisait tous deux. Un plan soigné, en trois parties comme il se doit. D’abord, nous dînerions dehors, dans un « vrai » restaurant, ou plutôt dans un de ces petits bistrots chaleureux et follement pittoresques qui semblaient être, dans les vieux films dont nous étions nourris, le rendez-vous favori des « vrais » Parisiens. Histoire pour nous d’oublier, le temps d’un repas, la très médiocre pitance qu’on nous servait au réfectoire, qui n’avait que peu de rapports avec ce que nous pouvions savoir de la très réputée gastronomie française. Aussitôt après (et là serait le coeur vibrant de notre soirée), nous irions explorer l’une ou l’autre de ces fameuses « caves de Saint-Germain-des-Prés » dont nous avions commencé à rêver depuis des mois, bien avant de quitter le Maroc. A défaut d’y rencontrer Vian, Queneau, Sartre ou Juliette Gréco (ce serait pour une prochaine fois, tous ces braves gens pouvaient bien attendre un peu, que diable…), nous comptions bien y dénicher quelques accortes parisiennes de notre âge, qui sauraient nous apprécier à notre juste valeur (que nous estimions évidemment fort grande), et avec qui nous danserions, étroitement enlacés, une grande partie de la nuit, et pourquoi pas jusqu’à l’aube. Enfin, pour oublier l’invraisemblable alignement de lits qu’était le dortoir des hypokhagneux, et pour accueillir dignement, le cas échéant, les charmantes amies que nous n’aurions pas manqué de conquérir, nous nous offririons le luxe d’une grande chambre dans un « vrai » hôtel du quartier. Beau programme en vérité, propre à nous consoler de nos premiers déboires de potaches et à redonner consistance à nos rêves parisiens. Mais son exécution devait nous réserver quelques surprises.
Pour le dîner, aucune hésitation. A peine franchie la porte basse du lycée, au milieu d’un flot d’autres internes qui s’étaient mis comme nous sur leur trente et un, nous nous sommes dirigés, d’un cœur léger et d’un pas résolu, vers un petit restaurant à l’enseigne comiquement latine (il s’appelait le « Gaudeamus » et nous trouvions fort prometteuse cette union du latin et de la cuisine), au fond d’une ruelle toute proche de l’Ecole de Médecine. C’est Jean-Paul, parisien chevronné, le seul de nos camarades externes à être spontanément venu vers nous, qui nous l’avait recommandé pour son atmosphère chaleureuse. « Juste ce qu’il vous faut, à vous deux, en ce moment ! », avait-il dit avec un petit clin d’œil. Le lieu, quoique passablement bruyant et enfumé, nous plut d’emblée : une grande salle carrée, occupée par une seule immense table autour de laquelle se serraient dîneurs et dîneuses, presque tous et toutes du même âge, le nôtre, ce qui nous parut de fort bon augure. Un vieux serveur chauve, moustache grise et tablier blanc, nous fit signe de nous glisser vers les deux dernières places libres, ce que nous fîmes au milieu des encouragements de nos commensaux. Tout le monde éclatait de rire à la moindre occasion, et le vouvoiement semblait totalement inconnu. Nous commandâmes exactement la même chose que tout le monde : borcht, bœuf Strogonoff, vodka et blinis, toutes choses à quoi nous goûtions pour la première fois et qui nous parurent délectablement exotiques. Ainsi ragaillardis, et après avoir griffonné quelques adresses pour de futures agapes communes, nous nous décidâmes à quitter l’aimable compagnie. Non sans une petite pointe de regret, il faut bien le dire. Mais quoi, il se faisait tard, et l’heure était venue pour nous d’aller nous enfoncer en conquérants dans la brillante vie nocturne du Paris souterrain. Il nous sembla cependant plus prudent, avant de nous lancer, d’aller d’abord choisir notre chambre pour la nuit. Formalité que nous pensions expédier en quelques minutes. Nous avions vu briller en grand nombre des enseignes d’hôtels, aussi bien sur le boulevard Saint-Michel qu’autour. Nous n’aurions que l’embarras du choix…
Il nous fallut vite déchanter.
Partout où nous allâmes, pas une chambre libre. Nous eûmes beau monter puis descendre le boulevard, en passant d’un trottoir à l’autre, nous enfoncer dans des petites rues crasseuses et mal éclairées (de vrais coupe-gorge, tout en bas de la rue Saint-Jacques), sonner aux portes de quelques établissements d’apparence cossue rue des Ecoles, rue de Vaugirard ou rue Gay-Lussac, tourner autour du carrefour de l’Odéon, pousser même jusqu’au pied de Saint-Sulpice, le résultat était toujours le même : « Désolé, nous n’avons plus rien », « Ah non, tout est plein », « Trop tard, ma dernière chambre vient de partir », « C’est complet. Vous comprenez, avec le Salon… » Notre errance, dans tous ces lieux que nous ne connaissions pas et où nous marchions à l’aveuglette, nous sembla durer des heures.
Nous commencions à croiser des clochards à moitié ivres qui chantonnaient en pissant au pied des réverbères de la place de Furstenberg, des groupes d’étudiants bruyants sortant des cinémas, des couples étroitement enlacés qui s’affairaient sous les portes cochères de la rue Racine et d’autres qui semblaient se hâter vers des gîtes tout proches. Minuit ne tarda pas à sonner, puis la demie de minuit, et nous étions toujours bredouille. Il nous fallut nous rendre à l’évidence : notre belle soirée de conquête germano-pratine avait du plomb dans l’aile. Nous n’allions tout de même pas passer le reste de la nuit à courir à la recherche d’une chambre décidément introuvable. Il n’y avait plus qu’une solution, piteuse : reconnaître notre erreur, et battre en retraite. Oui, revenir au lycée. Nous étions sûrs au moins d’y retrouver nos lits !
Le retour se fit dans la tristesse. Dans le silence aussi. Car, pour ajouter à notre peine, et comme pour couronner le tout, une petite pluie, fine et froide, s’était mise à tomber.
Nous atteignîmes avec soulagement la porte étroite et basse du lycée. Mais le vieux veilleur de nuit, qui nous vit arriver maussades et trempés, se montra méfiant, et peu compréhensif. Tapi dans la pénombre de sa loge, sans rien vouloir entendre à nos explications, il extirpa de sa poche la liste officielle, calligraphiée, des élèves bénéficiaires d’une autorisation de sortie pour la soirée du samedi (permission de minuit) qu’il brandit devant nos yeux. Il chaussa ensuite ses petites lunettes rondes et chercha longuement, en s’aidant d’une vieille lampe de poche moribonde, nos noms sur la liste. Il ne les trouva évidemment pas, puisque, décidés à coucher dehors, nous n’avions pas sollicité cette autorisation, qui par ailleurs était accordée, sans difficulté aucune, à tous ceux qui la demandaient. Il fallut alors discuter, tempêter, parlementer, lui présenter carte scolaire et carte d’identité. Et ce n’est qu’après avoir pris tout son temps pour recopier nos noms sur un bristol qu’il nous autorisa enfin à pénétrer dans cette bâtisse que, quelques heures auparavant, nous avions été si heureux de fuir…
Tel était donc l’incident qui avait gâché notre tout premier week-end de parisiens. Nous en attendions les suites avec un peu d’inquiétude, mais sans imaginer qu’elles pourraient, comme cela semblait être le cas, nous mener à comparaître d’urgence devant le proviseur lui-même.
*
Lorsque, au terme de notre longue marche, s’ouvrit toute grande devant nous la porte capitonnée du bureau du proviseur, nos pires craintes nous parurent devoir se confirmer. La vaste pièce (je ne me pus m’empêcher d’en admirer à la dérobée les quatre murs presque entièrement couverts de magnifiques livres reliés[4]), était pleine de monde : une bonne dizaine de personnes, assises en arc de cercle autour du proviseur qui trônait, lui, sur un grand fauteuil de cuir fauve. Cela ressemblait tout à fait à l’idée que je me faisais de cette entité terrifiante et mythique qui avait nom « conseil de disipline » et que je n’avais jusque là jamais eu l’occasion de rencontrer.
Tout ce beau monde était raide et silencieux et semblait n’attendre que nous. On accueillit notre entrée avec un air compassé. Nous trouvâmes, mon cousin et moi, le temps d’échanger un coup d’oeil résigné avant de nous asseoir sur les deux chaises de bois qui avaient été placés là pour nous. Il ne nous restait plus maintenant qu’à attendre la suite des événements…
Elle ne fut pas du tout celle que nous redoutions.
A peine étions-nous assis que le proviseur, après avoir congédié, d’un geste impérial, l’appariteur qui nous avait escortés, prit la parole. Il s’exprimait au naturel dans un langage noble et quelque peu archaïsant, avec une éloquence ample et majestueuse, dont nous allions découvrir qu’elle s’adaptait tout particulièrement à son sujet du jour. En une demi-douzaine de phrases, il entreprit de nous révéler le pourquoi de notre présence à cette réunion exceptionnelle. Voici donc, en substance, ce qui nous fut dit. Sa Majesté le Roi du Maroc (chacune de ces majuscules était clairement et distinctement perceptible dans le ton de voix de notre orateur), avait décidé d’envoyer son second fils, le prince Abdallah, préparer son baccalauréat à Paris. Il avait choisi pour cela la classe de philosophie du lycée Louis-le-Grand. C’était, pour cet établissement, qui avait su depuis des siècles accueillir tant d’élèves illustres, un grand honneur et une marque de confiance, dont il saurait évidemment se montrer digne. L’on était donc décidé, à tous les échelons de l’administration, à tout faire pour que cette expérience fût un plein succès. Parce que nous venions nous-mêmes du Maroc, que nous connaissions donc de l’intérieur les us et coutumes de ce beau pays, nous serions chargés, si nous le voulions bien, de servir en quelque sorte d’agents de liaison, pour d’éviter les malentendus qui pourraient éventuellement surgir entre le personnel du lycée et le prince.
Dès les premiers mots de ce discours, notre soulagement fut à la mesure de ce qu’avait été notre crainte. Mais la suite de la séance nous plongea franchement dans l’euphorie. Nous étions entrés dans cette salle en écoliers coupables attendant le châtiment, et voilà que nous nous trouvions, par un coup de baguette magique, promus au rang de diplomates chevronnés. On nous sollicitait, on nous interrogeait, on nous consultait. La docte assemblée avait soigneusement préparé à notre intention une série de questions pratiques, pour lesquelles nos réponses, données avec la tranquille assurance que nous conférait notre situation d’experts ès-maroquinades, furent considérées comme autant d’oracles. Nous avions en particulier écarté avec force comme inappropriée, et potentiellement catastrophique, l’idée d’admettre le prince à l’internat, comme cela avait été, semble-t-il, envisagé : nous ne savions que trop qu’il n’était pas besoin d’être né fils de roi pour trouver insupportable ce régime-là. Notre véhémence sur ce sujet fut remarquée. Elle sembla même surprendre certains de nos dignes interlocuteurs. Sans doute aucun d’eux n’avait-il fait récemment l’expérience de dormir, fût-ce une seule nuit, au milieu de soixante jeunes mâles à peine sortis de l’adolescence. En revanche, nous conseillâmes vivement de prendre le prince comme demi-pensionnaire, ce qui lui permettrait (puisque tel était apparemment le souhait du roi en envoyant son fils dans un établissement public) de se mêler chaque jour, pour le repas de midi, à la vie quotidienne de ses condisciples.
La réunion prit fin sans qu’eût été évoqué l’incident du samedi soir, dont personne apparemment n’avait eu connaissance. D’un côté comme de l’autre, la crispation des premiers instants s’était dissipée. Visiblement, notre prestation improvisée avait plu. L’on nous serra la main avec effusion et reconnaissance. Et nous-mêmes n’étions pas mécontents d’avoir pu montrer que, parfois, les élèves peuvent donner des leçons aux professeurs…
Inutile de dire que nous retrouvâmes notre classe avec le plus grand plaisir. Notre professeur et surtout nos camarades nous virent arriver avec soulagement. Nos larges sourires et nos clins d’yeux complices dissipèrent leurs inquiétudes, mais accrurent leur curiosité. Il fallut attendre la récréation, qui heureusement arriva bien vite, pour annoncer à tous la grande nouvelle. Chacun se crut tenu de la commenter. Plutôt favorablement.
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Les choses ensuite allèrent assez vite.
Deux ou trois jours après ce mémorable lundi, nouveau message, transmis par le même flegmatique messager. Le Proviseur, cette fois, nous faisait savoir qu’il nous voulait à ses côtés, le lendemain matin à neuf heures, pour accueillir le prince.
Quelques instants avant l’heure prévue, dûment rasés, cravatés et débarrassés des longues blouses grises qui d’ordinaire nous enveloppaient, nous avons rejoint le proviseur dans le vaste vestibule du lycée : toujours soucieux de protocole et de décorum, il avait fait ouvrir toute grande, pour la circonstance, l’imposante entrée vitrée.
Le cortège princier ne tarda pas à arriver rue Saint-Jacques : un motard casqué, suivi de deux grosses limousines noires, à l’avant desquelles flottait un petit fanion vert frappé d’une étoile rouge à cinq branches, qui se rangèrent exactement face à l’entrée vitrée. De l’arrière de la première voiture, dont la porte avait été ouverte par un chauffeur à casquette dorée, on vit s’extraire lentement un impressionnant personnage en longue djellaba blanche à burnous. De la voiture suivante sortirent quatre grands jeunes gens en costumes trois pièces très soignés et qui ressemblaient plus à des dandys qu’à des lycéens. D’un pas plus majestueux encore qu’à son habitude, le proviseur se dirigea vers le personnage en djellaba, lui serra très longuement la main. Celui-ci dit quelques mots, puis présenta au proviseur les quatre jeunes gens qui étaient maintenant à ses côtés : en tête, le prince Moulay Abdallah, avec qui le proviseur s’entretint un instant ; les trois autres, qui étaient ses amis et compagnons d’études, se contentèrent d’un sourire et d’une poignée de main. Mon cousin et moi, immobiles et droits à trois pas du proviseur, nous regardions la scène avec intérêt, en nous demandant quand viendrait notre tour d’intervenir dans cet aimable ballet. De plus, constations-nous avec surprise, ce n’est pas d’un seul élève que notre classe de philosophie allait s’enrichir, mais bien de quatre. Une tout autre configuration que celle qui nous avait été annoncée…
Sitôt les présentations officielles achevées, le proviseur se tourna vers nous, nous fit signe d’approcher, et expliqua à tout le groupe qui nous étions, mentionnant au passage le nom de Meknès, notre ville d’origine. L’homme à la djellaba, qui n’était autre que le ministre marocain de l’éducation, nous fit de brefs compliments en arabe dialectal (le seul que nous étions en mesure de comprendre), puis, sans plus de protocole, nous poussa littéralement dans les bras des quatre jeunes gens. La glace fut aussitôt rompue : tutoiement et rires complices vinrent tout naturellement. Après quelques instants de conversation détendue, tandis que proviseur et ministre mettaient fin à leur entretien au milieu du vestibule, qui s’était peu à peu empli d’élèves intrigués par cette cérémonie insolite, nous nous dirigeâmes à petits pas vers la salle de cours, accompagnés de nos nouveaux camarades. Lorsque notre petit groupe entra, le professeur s’interrompit. Il souhaita en quelques mots simples la bienvenue aux arrivants, les invita à s’installer aux quelques places vides qui restaient encore, ce qui les obligea, contrairement à leur attente, à se séparer et à se disperser aux quatre coins de la classe. Puis, dans une ambiance qui demeurait légèrement surchauffée, il reprit tant bien que mal son cours sur Descartes.
*
L’excitation dans la classe ne retomba pas avant plusieurs jours. Elle n’était pas seulement, ce qui nous surprit un peu, le fait des élèves. Nos professeurs aussi semblaient émoustillés par la présence des nouveaux venus. L’un après l’autre, et jusqu’au malheureux prof d’anglais dont les cours étaient régulièrement et cruellement chahutés (les premiers, et d’ailleurs les seuls véritables chahuts auxquels j’ai eu l’occasion d’assister, sans toutefois y participer, durant toute ma longue période scolaire), ils se crurent obligés de convoquer pour un entretien particulier le prince et ses séides. Démarche qui les surprit, et provoqua même chez Moulay Abdallah une certaine irritation, dont il ne manqua pas de nous faire part.
-Mais enfin, qu’est-ce qu’ils me veulent ? Je n’ai rien à leur dire, moi, à tous ces profs ! Pourquoi est-ce qu’ils ne me foutent pas la paix ?
-Oh, ne t’inquiète pas ! répliqua mon cousin. Tu sais comment sont les profs. Je suis sûr qu’ils vont te poser les questions classiques.
-Ah bon ! Mais sur quoi, par exemple ?
- Bah, tu sais bien, sur tes goûts, tes projets d’avenir, la profession de tes parents…
Nous essayâmes, mon cousin et moi, de jouer avec zèle le rôle d’intermédiaires qui nous avait été dès le début assigné. Ainsi, pour rattraper les cours qu’ils avaient manqués, nos camarades marocains me demandèrent de leur prêter certains de mes cahiers, notamment ceux d’histoire et de géographie. Je les leur remis donc aussitôt.
Une bonne partie du temps des interclasses se passait en conversations, de plus en plus détendues, avec eux. Bien entendu, nous ne tardâmes pas à leur révéler qu’ils ne devaient qu’à nous d’avoir échappé à la condition d’internes qui avait failli leur être imposée. Ils nous apprirent à cette occasion qu’ils occupaient une suite à l’Hôtel de Crillon, et qu’ils aimaient mieux ça… Car ils semblaient avoir une vie nocturne et amoureuse fort intense, dont ils ne rechignaient pas, à mots plus ou moins couverts, à nous entretenir. Nous écoutions leurs bribes de récits avec envie, en caressant, sans nous l’avouer, l’espoir qu’ils nous associeraient un de ces soirs à leurs bonnes fortunes. Des sorties avec eux avaient toutes chances d’être plus excitantes que la morne soirée que nous avions passée au « Mimi Pinson » pour notre second samedi parisien. Mais rien de tel ne devait se produire. Nettement plus âgés que nous (Moulay Abdallah avait déjà plus de vingt ans), ils étaient aussi d’un tout autre monde. Leur groupe, bien soudé, se plaisait visiblement à vivre en vase clos. Il avait dû se former depuis longtemps, du temps où ils fréquentaient ensemble le Collège royal, ce fameux « collège » créé en 1942, au sein du Méchouar (c’est ainsi qu’on appelle au Maroc le Palais royal), par le sultan Mohamed V pour donner une éducation résolument moderne à ses deux fils, ainsi qu’à quelques élèves de leur âge soigneusement choisis et méritants[5].
La tentation me vint plusieurs fois d’évoquer avec eux les liens qu’avaient noués avec des Juifs du Maroc certains des souverains de la dynastie alaouite, celle à laquelle appartenait précisément le père d’Abdallah. J’aurais aimé pouvoir leur rappeler que Jacob Ohana, le père de ma grand-mère maternelle, le millionnaire dont Pierre Loti avait longuement décrit la somptueuse demeure, était un proche du roi Hassan Ier. Ou bien leur dire de quel immense prestige jouissait Mohamed V auprès des Juifs de la génération de mes parents, pour son attitude courageuse au cours de la deuxième guerre mondiale. Mais, à mon grand regret, l’occasion de le faire ne se présenta pas.
D’autres sujets aussi me brûlaient les lèvres, tous ceux qui touchaient aux « événements », comme on disait alors pour désigner la longue crise, fertile en rebondissements, qui avait finalement mené le Maroc du protectorat à l’indépendance. Il eût été passionnant sans doute de savoir, de la bouche même d’un des protagonistes, comment la famille royale avait vécu ces années cruciales : la lute sourde avec les autorités du protectorat, la destitution de Mohamed V et l’exil, en Corse d’abord, puis à Madagascar, les longs mois de solitude dans la très lointaine Antsirabe, les difficiles négociations avec les dirigeants français, jusqu’à la mise au point de la formule de « l’indépendance dans l’interdépendance » et aux grandioses festivités qui avaient marqué le retour triomphal des proscrits. Mais je m’abstins toujours d’aborder avec eux ce type de sujets. Non par manque d’intérêt, bien au contraire, c’était le moment où, au contact des nombreux militants communistes qui étaient mes voisins à l’internat, je commençais à mordre pour de bon à la politique. Mais plutôt parce que je n’étais pas tellement fier de mon attitude durant toute cette période, et plus précisément au cours de ce fameux été 1953, celui de la destitution. J’avais alors tout juste quatorze ans, et la lecture fièvreuse des Mille et une nuits m’occupait infiniment plus que la crise marocaine. Pour les beaux yeux de ces compagnes imaginaires (et pourtant si familières !) qu’étaient pour moi la reine Schéhérazade, la princesse Badroul-Boudour ou la princesse Camarlazaman, je négligeais avec superbe ce qui se passait à quelques centaines de mètres à peine de moi : dans un vrai palais, un vrai roi, en violent conflit avec l’appareil colonial ; de vrais princes, accusés de tramer les plus noirs complots ; de vrais pachas, djellaba blanche, profil d’aigle et verbe haut, descendus de leur montagne à la tête de vraies tribus qu’on disait prêtes à la guerre civile. Il m’aurait suffi, certains jours, d’entrouvrir une fenêtre et de tendre un peu le cou, pour voir défiler sous mes pieds, par centaines, des cavaliers berbères dont l’allure aurait dû me séduire : le burnous flottant, le canon du fusil pointant au-dessus du turban, ils semblaient directement sortis d’un vieil album d’imagerie coloniale. Mais tout cela, je ne voulais pas vraiment le savoir, malgré les titres alarmants qui s’étalaient à la une des journaux. Si bien qu’en sortant de l’antre douillet où je m’enfermais pour lire pendant les heures chaudes de l’après-midi, je retrouvais chaque soir, avec la même surprise peinée, les derniers vestiges des désordres qui avaient marqué la journée : rues barrées, carrefours bloqués par des chars, colonnes de légionnaires en patrouille. Je n’étais pas alors conscient de la monumentale bévue historique qu’il y avait derrière la politique de répression à tout va qui sévissait alors. Mais, sortant à peine des délices ininterrompues du conte oriental, je n’étais pas loin de voir dans toute cette agitation une impardonnable faute de goût. Et c’est une faute de goût tout aussi impardonnable que j’aurais craint de commettre en révélant à mes camarades mon attitude de l’époque.
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Cette étrange « amitié » (c’est évidemment un bien grand mot, que je prends soin d’entourer de très précautionneux guillemets, et auquel il conviendrait peut-être de substituer un mot plus léger) ne devait guère durer. Elle s’interrompit même très vite, et tout aussi brusquement qu’elle avait commencé. L’Histoire (notez, s’il vous plaît, la majuscule), oui, l’Histoire, dont on n’attendait peut-être pas une aussi directe intervention dans cette affaire, en avait décidé ainsi. On était alors, ne l’oublions pas, en pleine guerre d’Algérie, et le Maroc, qui venait d’accéder à l’indépendance quelques mois auparavant, tenait à manifester sa solidarité avec les Algériens en lutte. C’est dans ce contexte que survint un événement inattendu, dont les conséquences, mal mesurées, devaient se révéler dramatiques. Cinq dirigeants du FLN, le Front de Libération Nationale algérien (dont Ahmed Ben Bella, le redouté chef militaire des « rebelles »), venaient d’achever un séjour à Rabat où ils avaient été les hôtes du roi. Au soir du 22 octobre, ils avaient pris place dans un avion affrété par le gouvernement marocain, qui devait les mener à Tunis pour une importante conférence au sommet. Les hauts responsables de l’armée de l’air française en Algérie, toujours à l’affût d’un coup dur à porter à la « rebellion », n’hésitèrent pas à envoyer une escadre de chasseurs pour arraisonner l’avion et le contraindre à se poser à Alger[6]. Fâcheuse initiative, prise à l’insu du président du conseil, Guy Mollet : celui ci n’était guère populaire (litote) auprès des Français d’Algérie, qui l’avaient reçu quelques mois auparavant en le bombardant de tomates. Elle provoqua aussitôt au Maroc, et principalement à Meknès, de graves émeutes qui firent plusieurs dizaines des morts parmi les Français. Mon cousin et moi en reçûmes bientôt les tristes échos, grâce aux coupures de journaux qui nous furent envoyées ; des noms, des lieux, qui nous étaient depuis toujours familiers y apparaissaient dans un contexte d’horreur indicible : la briquetterie Mas incendiée et son propriétaire jeté dans les flammes, la famille Torregrossa brûlée vive dans sa voiture, les cadavres mutilés, dont celui de bébés, retrouvés dans le bassin de l’Aguedal, etc.
Au milieu de cette tourmente, Mohamed V prit la décision de rappeler son ambassadeur, et bien entendu, par la même occasion, son fils. Le prince et ses compagnons durent donc quitter le lycée un matin, sans que nous ayons eu vraiment l’occasion de commenter avec eux la situation. Le proviseur, majestueux et navré, vint les chercher lui-même en plein milieu d’un cours. Ils se levèrent sans hâte, sans émotion apparente, et partirent à la queue leu leu, silencieux, l’air absent, sous les regards gênés de toute la classe, qui commençait à peine à s’habituer à leur présence. Mon cousin et moi fûmes probablement les seuls à être affectés par ce départ précipité, à en ressentir même un sincère regret. C’était pour nous comme si une fenêtre brièvement entrouverte venait de se fermer. Mais il faut bien reconnaître que, bien après la fin de cet épisode, nous sommes restés auréolés d’un prestige inégalable auprès des autorités du lycée. Au point que le surveillant général, si pointilleux d’ordinaire, fermait très ostensiblement les yeux, au sens propre du mot, lorsqu’il lui arrivait de nous surprendre à sortir du lycée sans billet…
Je ne devais jamais revoir ces éphémères compagnons d’études ni recevoir le moindre mot d’eux. Les événements en cet automne 1956 ne cessaient de se bousculer, et de nous bousculer. L’affaire de Suez vint presque aussitôt prendre le relais dans nos préoccupations, après quoi ce fut la brutale intervention soviétique à Budapest. Autant de raisons d’oublier l’intermède princier. Et puis il y eut aussi, à Noël, la séparation d’avec mon cousin qui, rentré à Meknès pour les vacances, préféra y rester. Louis le Grand n’était décidément pas sa tasse de thé…
Lorsque, quelques mois plus tard, en juillet 1957, mon bac en poche, je fus amené à séjourner près de Rabat pour mes vacances, j’appris, je ne sais plus par quel canal (la presse locale, sans doute), que le petit groupe princier avait passé une grande partie de l’année scolaire au collège des Roches (fameuse école privée pour enfants de rois et de milliardaires, dans un chateau en Normandie) et qu’ils avaient été, tous les quatre, confortablement reçus à l’examen. J’eus un instant la tentation d’aller à leur recherche, pour fêter ensemble, dignement, nos succès. Mais comment faire pour les retrouver ? Je me voyais mal allant me présenter, la bouche en cœur, aux sentinelles en armes qui gardaient jour et nuit l’entrée du Méchouar… J’ai cependant continué à recueillir avec un intérêt amusé les bruits qui couraient sur le prince : son élégance raffinée, son goût pour les plaisirs et les fêtes, son mariage avec la richissime descendante d’une grande famille libanaise, ses relations pas toujours faciles avec son frère aîné, le futur roi Hassan II.
Au fil des années, l’ensemble de l’épisode s’estompa dans ma mémoire. J’ai oublié bien des détails importants, comme par exemple les noms et les prénoms des compagnons du prince, ou bien encore la date exacte du jour où le groupe fut rappelé. Et j’ai dû faire de gros efforts pour tenter de remettre, tant bien que mal, les choses en place. Un souvenir pourtant est toujours demeuré vivace, celui de mes cahiers, ces quelques cahiers tout neufs, à peine entamés, et que de si bon cœur j’avais prêtés. Pourquoi cette persistance, pourquoi cette fixation sur un détail apparemment sans importance ? Je ne sais. Peut-être (c’est une hypothèse qui s’est imposée à moi tardivement) parce que ce n’était là que le début d’un destin de séparations et de pertes qui devait longtemps me poursuivre. Mais ceci, comme on aime à dire pour prendre congé, est une autre histoire…
[1] L’expression “ce bon mois d’octobre” me vient naturellement sous la plume ; elle était devenue quasi proverbiale dans ma famille depuis qu’un de mes frères aînés, malencontreusement collé au bac à la session de juin, s’était exclamé : “Heureusement, il y a ce bon mois d’octobre !”
[2] Ce que, dans le jargon du lycée, on appelait plutôt un “sioux”, un mot dont je devais découvrir plus tard qu’il n’avait rien à voir avec les Indiens d’Amérique, et qu’il était une déformation d’un mot arabe qui m’était de puis toujours familier, celui de chaouch.
[3] Le prépa de première année était appelé “bizuth” ; en deuxième année il devenait carré, “cube” en troisième année et “bica”si la malchance voulait qu’il fût contraint de faire une quatrième année.
[4] J’eus l’occasion de mieux connaître le proviseur plus tard, au cours des quatre années que je devais finalement passer à Louis-le-Grand. C’était un excellent helléniste, et un bibliophile passionné, que je croisais souvent chez un bouquiniste qui tenait boutique rue des Ecoles, non loin du Collège de France.
[5] La tradition sera perpétuée par Hassan II, dont tous les enfants seront à leur tour scolarisés au Collège royal.
[6] Détail savoureux : le trajet Rabat-Alger étant plus court que le trajet Rabat-Tunis, et pour ne pas donner l’éveil aux passagers détournés, on obligea l’avion à tourner sur lui-même, tous rideaux tirés, au-dessus de la Méditerranée.