Michèle Audin

Venezia pianta map plan Stadtplan est un plan de papier collé sur un carton bleu qui se plie en deux pour lui servir d’enveloppe protectrice. On voit sur ce carton une photo convenue assez vulgaire de régate sur le Grand canal et, sur l’autre face, la liste des transports publics (lignes de vaporetto). Le verso de la grande feuille de papier offre ce qu’on s’attend à y trouver : une liste des rues, les horaires d’ouverture des musées et des églises, des plans en noir et blanc de Murano, Burano et Torcello, et de Chioggia. Surtout, un quart de cette page comporte un plan des palais le long du Grand canal : le S inversé (que ses courbes élégantes empêchent d’appeler un Z), avec ses trois ponts et, tout le long, sur les deux rives, des dessins des édifices qui le bordent, palais pour la plupart, églises, mais pas seulement, le premier (si on commence à lire en haut à gauche) est la Stazione FFSS (la gare) – ainsi on entre dans Venise par le train. Ces dessins sont posés perpendiculairement à la ligne du canal, ce qui fait qu’ils ont la tête en haut, ou en bas, ou sur le côté. Par exemple, avant le pont des Scalzi, l’église (des Scalzi) pointe vers le haut tandis que, face à elle, la coupole de San Simeon Piccolo est dirigée vers le bas. Comme les dessins suivent la courbe, ils finissent par s’inverser : la Ca' d’Oro est « à l’endroit » tandis que, sur la même rive mais après la courbe du Rialto, le palais Mocenigo est « à l’envers ». Les palais de la rive qui est au-dessus sont à l’endroit, les autres à l’envers, ceux des courbes sont sur le côté, continûment. En bas à droite, à la fin de la lecture, le palais des doges et le campanile sont debout, comme fièrement, sur la place San Marco, alors que la Salute est renversée.

Sur l’autre face figure un beau plan bien dessiné et précis de la ville de Venise. Dans le creux que forme, en haut à droite, la ligne des Fondamente Nuove et les Bacini, on a placé un dessin carré de la lagune avec Mestre à gauche, Chioggia, en bas, le Lido et les îles. Sous la Giudecca, sur toute la longueur (le plan est plus long que haut) c’est un plan allongé de l’allongé Lido. L’eau (la lagune, les canaux et rios) est (bien sûr) représentée en bleu, le plan est quadrillé (1 à 10, A à F), l’échelle (1 :6500) figure sur la couverture cartonnée, le copyright, dans l’eau de la lagune, porte les dates 1999–2001. Les espaces verts, peu nombreux, sont indiqués par un vert plus soutenu que celui dans lequel est coloré le sestier de Canareggio. Car les différents sestiers sont colorés de couleurs différentes : gris bleu pour Castelo, bleu plus franc pour S. Croce, violet pour Dorsoduro, oranges pâle pour San Polo et plus foncé pour San Marco, comme il est indiqué sur la légende et à quoi nous pouvons ajouter que la Giudecca est en marron ainsi que l’île de San Giorgio. Les « arrière-boutiques » (l’éventail des voies de chemin de fer arrivant à la gare, les parkings), sont en blanc, incolores plutôt. Les arrêts de vaporetto sont marqués par des numéros dans des ronds blancs. L’œil qui les cherche trouve sans mal entre les minuscules calle et rios, les polygones irréguliers des grands campi, San Marco bien sûr, San Angelo et San Stefano, San Polo, les ghettos, Santa Maria Formosa, le plus secret San Pietro dans l’île du même nom. Un œil un peu plus exercé repère même le campo de San Bartolomeo où la statue de Goldoni contemple sans doute les passants et les désœuvrés.
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Il y a un autre plan de Venise, portant une date plus récente, dans la collection. La couverture cartonnée est rouge et porte des illustrations différentes. Le plan proprement dit est strictement identique. L’œil qui les cherche y trouve donc sans mal, entre les minuscules calle et rios, les polygones irréguliers des grands campi, San Marco bien sûr, San Angelo et San Stefano, San Polo, les ghettos, Santa Maria Formosa, le plus secret San Pietro dans l’île du même nom. Un œil un peu plus exercé repère même le campo de San Bartolomeo où la statue de Goldoni contemple sans doute les passants et les désœuvrés.

Les lecteurs s’attendent à ce que tu en dises plus. Tu avais parlé d’arriver à Venise en train…
J’en ai déjà dit beaucoup. Elle est derrière toutes nos villes…

Peut-être n’existe-t-elle qu’à l’ombre de nos paupières baissées.
 
2 mai 2015
(à suivre)

PS. Il y a une légende de l’illustration dans le post-scriptum de la page images.