Michèle Audin

Ce roman n’avance pas.
Diront certains, ou peut-être pas, car ceux-là auront cessé de lire, justement parce que le roman, selon eux, n’avance pas.
Pourtant, ce dont il est question ici, c’est du temps qui, précsiément, avance. Lentement, mais sûrement. Ainsi, ici, alors que nous n’en sommes encore qu’à la lettre C, aujourd’hui, déjà plus de deux mois ont passé depuis que ce brouillon a commencé de s’ouvrir aux lecteurs.

Je me permets d’intervenir ("je", c’est l’auteur) pour signaler une dette, une référence. Le commentaire fait partie du texte, c’est un enseignement de Laurence Sterne. Et voilà pourquoi cet article commentaire. Qui ralentit encore la liste des plans de ville – certaines sont-elles pressées de savoir quelle est la prochaine ville dont la collection de Fiordiligi contient un plan ? encore quelques jours de suspense !
Et qui ralentit le « roman ». Vraiment ? Les personnages ont énoncé pas mal de commentaires, souvent presque implicites, dans lesquels ils se souviennent, souvent. Mais pas seulement.

À son rythme, avec son exhaustivité – décrire tous les plans – son incomplétude – l’atlas n’est que celui de cette petite partie du monde dans laquelle l’un ou l’autre des personnages a eu l’occasion de se rendre – par petite partie du monde je ne veux pas dire qu’ils ont visité peu de continents, ce serait évidemment faux, c’est plutôt d’une « géographie de classe » que je veux parler.
Dans l’immense majorité des pays du monde, l’immense majorité de la population vit dans des conditions telles que, par rapport à ces femmes et ces hommes, Fiordiligi, ses amis, et vous toutes et tous qui lisez ce texte, sont (objectivement) infiniment riches. De plus, votre (notre) différence saute aux yeux, il est inutile de tenter de se déguiser, de se faire passer pour ce que vous n’êtes pas, votre façon de vous habiller, souvent simplement la couleur de votre peau, vous désigne immédiatement comme les visiteurs de ce qui devient une sorte de zoo, de réserve. Aucune fraternité n’est possible. Ceci a été remarqué à propos de Bombay, par exemple…

Tu ne dis rien sur le 6 juin 1944 ?
Que l’ignorance de l’histoire est pire encore que celle de la géographie ? Qu’il est insupportable d’entendre répéter que les Américains (oui, avec les Anglais et les Canadiens) ont libéré l’Europe. La France, encore…

6 juin 2014
(à suivre)