Pourquoi il n’y a pas de dessin du plan du centre sur la face générale, je vais t’expliquer comme je l’ai compris à l’époque, c’est-à-dire il y a dix ans. Cette fois, c’est à Dorabella en visite que Fiordiligi s’adresse.
C’était facile à comprendre : cette face comprend l’ensemble de la ville, mais à part ça, très peu, le moins possible compte-tenu de la convexité de la feuille de papier, de la zone turque. Il était plus simple de prétendre ne pas représenter le centre que d’en dessiner les rues de la partie sud en oubliant celles de la partie nord. Sur l’autre face, il suffisait de décaler le plan vers le haut, pour que le moins de zone occupée soit inclus dans le rectangle. Négation de la Turquie.
Je me souviens parfaitement des cartes d’itinéraire projetées dans l’avion (Cyprus Airways) que j’ai pris pour aller à Chypre. Depuis Francfort, les villes s’affichaient, Munich, Venise, Mostar, Bari, Sofia, Thessalonique, Athènes, Larnaca, Beyrouth, Nicosie, Tel Aviv… Et puis cette tête de cheval, ou d’hippopotame, entre la mer Noire et la Méditerranée, un désert sans doute, aucun nom, aucune ville.
Skopje n’était pas indiqué non plus, je suppose, mais c’était moins visible. Je me souviens aussi du point culminant de la ville, le sixième étage d’un grand magasin, avec sa terrasse de laquelle on pouvait voir « de l’autre côté », on disait que les gens montaient là pour voir la maison qu’ils avaient dû abandonner en 1974. Une ville minuscule, avec son ambiance « sous-préfecture de l’empire ottoman », minuscule et pourtant coupée en deux, on se cognait sans cesse au mur…
Dis-moi autre chose.
Le café grec (oui, grec, bien sûr). Les mots déchiffrés. Monodromie, qui veut dire sens unique. On roule à gauche – qui a dit que tous les pays qui ont un gros problème de frontière ont été des colonies britanniques ?
Tu as dit Famagouste ? Famagouste, répète Dorabella, Famagouste, déguste-t-elle. Un rapport avec Othello, non ? Oui, je crois. Une ville fantôme. Tu reprends du café?
Ici s’achève la deuxième boîte de chaussures
29 novembre 2014
(à suivre)
C’était facile à comprendre : cette face comprend l’ensemble de la ville, mais à part ça, très peu, le moins possible compte-tenu de la convexité de la feuille de papier, de la zone turque. Il était plus simple de prétendre ne pas représenter le centre que d’en dessiner les rues de la partie sud en oubliant celles de la partie nord. Sur l’autre face, il suffisait de décaler le plan vers le haut, pour que le moins de zone occupée soit inclus dans le rectangle. Négation de la Turquie.
Je me souviens parfaitement des cartes d’itinéraire projetées dans l’avion (Cyprus Airways) que j’ai pris pour aller à Chypre. Depuis Francfort, les villes s’affichaient, Munich, Venise, Mostar, Bari, Sofia, Thessalonique, Athènes, Larnaca, Beyrouth, Nicosie, Tel Aviv… Et puis cette tête de cheval, ou d’hippopotame, entre la mer Noire et la Méditerranée, un désert sans doute, aucun nom, aucune ville.
Skopje n’était pas indiqué non plus, je suppose, mais c’était moins visible. Je me souviens aussi du point culminant de la ville, le sixième étage d’un grand magasin, avec sa terrasse de laquelle on pouvait voir « de l’autre côté », on disait que les gens montaient là pour voir la maison qu’ils avaient dû abandonner en 1974. Une ville minuscule, avec son ambiance « sous-préfecture de l’empire ottoman », minuscule et pourtant coupée en deux, on se cognait sans cesse au mur…
Dis-moi autre chose.
Le café grec (oui, grec, bien sûr). Les mots déchiffrés. Monodromie, qui veut dire sens unique. On roule à gauche – qui a dit que tous les pays qui ont un gros problème de frontière ont été des colonies britanniques ?
Tu as dit Famagouste ? Famagouste, répète Dorabella, Famagouste, déguste-t-elle. Un rapport avec Othello, non ? Oui, je crois. Une ville fantôme. Tu reprends du café?
Ici s’achève la deuxième boîte de chaussures
29 novembre 2014
(à suivre)