Tu te souviens qu’on a vu tous ces musées ?
Oui. Et toi de Roublev ?
Oui, je crois. Et toi de la bibliothèque, à la Galerie Tretiakov ?
Oui, où l’on nous avait emmenés parce que nous insistions pour voir des Malevich qui n’étaient pas exposés et où on nous avait montrés quelques catalogues de musées occidentaux. Tu te souviens du Grand atelier rose ? Oui, devant lequel tu avais passé des heures.
C’est vrai, et encore plus lorsque j’y suis retournée, heureuse de retrouver un ami si fidèle.
Dans un court-bouillon, Fiordiligi et Guglielmo ont plongé des ailes de raie. Elle est allée chercher une bouteille de vin blanc à la cave, ils confectionnent rapidement un beurre-noisette. C’est cuit, je crois. Tu sers les pommes de terre ?
Tu te souviens comme il faisait chaud ?
Oui, et que j’avais enlevé mon collant dans les toilettes de l’aéroport, en arrivant.
Et toi des glaces ? Oui, crémeuses et délicieuses. Et toi des magasins Berioska ? Oui. C’est un poil trop cuit, non ? Pourquoi n’avons-nous pas de plan de Léningrad ? Je ne sais pas. Non, pas trop.
Tu te souviens de la guide soviétique ?
Pas vraiment, sauf qu’elle était très coincée.
Tu te souviens de l’hôtel ? Oui, tout neuf, moderne et beau, mais des chambres de huit avec des lits superposés. Hôtel pour jeunes, concept de vie collective un peu déroutant. Et toi, tu te souviens du métro ?
Oui, des marbres et des longs escaliers mécaniques. Et toi des petites dames qui surveillaient ces escaliers ?
Oui, ces petites vieilles dames occupées à ne rien faire, partout, c’était le plein emploi. Mais est-ce qu’elles ne faisaient vraiment rien ? Les gardiens de musée ne font rien, mais ils sont utiles.
Tu ne penses qu’au musée. Non, j’aimais beaucoup le métro. Je craignais que le vieux Qfwfq ne vienne nous raconter qu’il avait participé à la construction du métro.
Tu vois, maintenant, il te manque.
Une forme élémentaire de dialectique. Tu veux encore un peu de vin ?
Il y a plus de vingt ans que je n’y suis pas allée, dit Fiordiligi, mais j’entends toujours la voix qui disait « Attention, les portes vont se refermer. Prochaine station… ».
Tu l’entends en russe ?
Bien sûr, en russe. Tu te souviens de l’indicatif de Radio-Moscou ?
Il est revenu, le temps du muguet, chantonne Guglielmo.
Deux souvenirs sonores très présents.
Fiordiligi repousse les parties cartilagineuses de la raie au bord de son assiette. Remets un peu de beurre-noisette sur tes pommes de terre. Il faut noter de faire cuire la raie moins longtemps, dix minutes, c’est trop. La deuxième fois que je suis allée à Moscou (dans ce cas, exceptionnellement, c’est simple, il y a deux plans et les dates concordent) je me souviens de la conscience aiguë « ici c’est l’Europe », je suis chez moi. Pas comme en Amérique, par exemple. Parce que tu y allais pour voir des tableaux de Matisse. Mais j’ai vu des tableaux de Matisse en Amérique. Tout ça a bien changé, dit Guglielmo. Tu aurais dû rapporter un plan, dit Fiordiligi.
Tu te souviens des disques Melodia ?
Oui, Gillels, Berman, Richter… Et toi de l’endroit où nous les avons achetés ?
Oui, l’avenue Kalinine. J’ai beaucoup aimé ces grandes avenues. Marcher dans Moscou, malgré le métro. Si larges. Tant d’air.
Ce n’était pas juste après Tchernobyl ?
Si. Il y avait d’ailleurs beaucoup d’usines à la pollution visible. Tu te souviens de la Moskova ?
Dans Quand passent les cigognes, oui.
Oui. Et toi de Roublev ?
Oui, je crois. Et toi de la bibliothèque, à la Galerie Tretiakov ?
Oui, où l’on nous avait emmenés parce que nous insistions pour voir des Malevich qui n’étaient pas exposés et où on nous avait montrés quelques catalogues de musées occidentaux. Tu te souviens du Grand atelier rose ? Oui, devant lequel tu avais passé des heures.
C’est vrai, et encore plus lorsque j’y suis retournée, heureuse de retrouver un ami si fidèle.
Dans un court-bouillon, Fiordiligi et Guglielmo ont plongé des ailes de raie. Elle est allée chercher une bouteille de vin blanc à la cave, ils confectionnent rapidement un beurre-noisette. C’est cuit, je crois. Tu sers les pommes de terre ?
Tu te souviens comme il faisait chaud ?
Oui, et que j’avais enlevé mon collant dans les toilettes de l’aéroport, en arrivant.
Et toi des glaces ? Oui, crémeuses et délicieuses. Et toi des magasins Berioska ? Oui. C’est un poil trop cuit, non ? Pourquoi n’avons-nous pas de plan de Léningrad ? Je ne sais pas. Non, pas trop.
Tu te souviens de la guide soviétique ?
Pas vraiment, sauf qu’elle était très coincée.
Tu te souviens de l’hôtel ? Oui, tout neuf, moderne et beau, mais des chambres de huit avec des lits superposés. Hôtel pour jeunes, concept de vie collective un peu déroutant. Et toi, tu te souviens du métro ?
Oui, des marbres et des longs escaliers mécaniques. Et toi des petites dames qui surveillaient ces escaliers ?
Oui, ces petites vieilles dames occupées à ne rien faire, partout, c’était le plein emploi. Mais est-ce qu’elles ne faisaient vraiment rien ? Les gardiens de musée ne font rien, mais ils sont utiles.
Tu ne penses qu’au musée. Non, j’aimais beaucoup le métro. Je craignais que le vieux Qfwfq ne vienne nous raconter qu’il avait participé à la construction du métro.
Tu vois, maintenant, il te manque.
Une forme élémentaire de dialectique. Tu veux encore un peu de vin ?
Il y a plus de vingt ans que je n’y suis pas allée, dit Fiordiligi, mais j’entends toujours la voix qui disait « Attention, les portes vont se refermer. Prochaine station… ».
Tu l’entends en russe ?
Bien sûr, en russe. Tu te souviens de l’indicatif de Radio-Moscou ?
Il est revenu, le temps du muguet, chantonne Guglielmo.
Deux souvenirs sonores très présents.
Fiordiligi repousse les parties cartilagineuses de la raie au bord de son assiette. Remets un peu de beurre-noisette sur tes pommes de terre. Il faut noter de faire cuire la raie moins longtemps, dix minutes, c’est trop. La deuxième fois que je suis allée à Moscou (dans ce cas, exceptionnellement, c’est simple, il y a deux plans et les dates concordent) je me souviens de la conscience aiguë « ici c’est l’Europe », je suis chez moi. Pas comme en Amérique, par exemple. Parce que tu y allais pour voir des tableaux de Matisse. Mais j’ai vu des tableaux de Matisse en Amérique. Tout ça a bien changé, dit Guglielmo. Tu aurais dû rapporter un plan, dit Fiordiligi.
Tu te souviens des disques Melodia ?
Oui, Gillels, Berman, Richter… Et toi de l’endroit où nous les avons achetés ?
Oui, l’avenue Kalinine. J’ai beaucoup aimé ces grandes avenues. Marcher dans Moscou, malgré le métro. Si larges. Tant d’air.
Ce n’était pas juste après Tchernobyl ?
Si. Il y avait d’ailleurs beaucoup d’usines à la pollution visible. Tu te souviens de la Moskova ?
Dans Quand passent les cigognes, oui.
14 novembre 2014
(à suivre)
(à suivre)