Michèle Audin

Je me suis beaucoup promenée, en essayant de construire des itinéraires où je ne traverserais qu’à des feux rouges. J’ai visité le musée d’ethnologie, je me souviens qu’on y présentait le vélo d’un marchand ambulant, un marchand de paniers, des centaines de paniers d’osier accrochés autour du cadre, un vrai objet d’art, mais comment voyait-il où il allait ? Sans doute les paniers à l’avant étaient-ils disposés de façon à ce qu’il y ait des trous à l’emplacement des yeux. C’est ce qui m’a le plus touchée. Il n’y a plus beaucoup de vélos dans la circulation. Quelques vieilles femmes… Et je suis allée au musée Ho Chi Minh, bien sûr.  

J’ai énormément travaillé. J’utilisais la connexion internet de l’hôtel, qui ne fonctionnait que dans le hall et qu’utilisaient aussi des familles italiennes venues chercher l’enfant qu’elles adoptaient, éclats de voix des nouvelles données aux amis, à grands renforts de gestes dans les webcams… Ça aussi, c’était touchant, comme dans l’avion au retour, les hôtesses de l’air prenant gentiment en photo les bébés avec leurs nouveaux parents.

L’hôtel dans lequel Fiordiligi a été logée était un bâtiment construit par l’armée française, de style colonial, des balcons ou loggias entourant un jardin avec une piscine (d’eau salée). Pas très loin du centre. La troisième fois, dit-elle, j’étais assez seule, heureusement que j’avais emmené beaucoup de travail. Le matin, le chauffeur venait me chercher, je faisais deux heures de cours, je discutais un peu avec les étudiants, le chauffeur me ramenait. Et c’était tout. Je mangeais du Phô, une délicieuse soupe aux nouilles, au restaurant de l’hôtel. Deux semaines, puis j’ai fait passé l’examen, j’ai corrigé les copies, j’ai donné les notes et j’ai repris l’avion.

De la couleur locale ? Je ne sais pas, dit-elle. Tu veux que je te montre la taille du cafard (et ellle fait un geste, un écart du pouce et de l’index) que j’ai croisé un soir près de ma chambre et que j’ai d’abord pris pour une souris ?
Ou préfères-tu que je te fasse une liste de l’incroyable variété de mets que j’ai consommés au cours de ces séjours ?

Fiordiligi, Guglielmo, Dorabella, Ferrando et beaucoup de leurs amis ont vécu leurs années de formation pendant la guerre du Vietnam. L’activité intense, les petites vieilles dames vietnamiennes courageuses et les vélos font partie de leur imaginaire vietnamien. Le monde a changé. Vraiment ? La ville est peut-être un peu factice. Passer le pont. Dans les campagnes, les paysans repiquent toujours le riz de leurs minuscules parcelles. Riz contre pétrole ?
 
15 août 2014
(à suivre)

PS. Il y a une légende de l’illustration dans le post-scriptum de la page images