Le • plan de ville • city map • Stadtplan • pianta della città • plano de la ciudad • est daté de 2005, son impression en gris, noir, et orangé terne a sans doute été financée (sponsorisée ?) par une organisation de viticulteurs (ou de négociants en vins ?) qui y a apposé son logo (une feuille de vigne). L’une des faces du dépliant (car c’en est un) est consacrée au « Grand Avignon » (il faut bien faire figurer la gare TGV quelque part, pense Fiordiligi avec un frisson rétrospectif en se souvenant de ce ratage de béton posé au milieu de nulle part), avec ses échangeurs d’autoroutes et ses ponts sur le Rhône. L’autre face, avec ses carrés numérotés, est un plan (à assez petite échelle, 3 cm représentent 160 m) du centre de la ville. Les remparts et leurs portes sont représentés en relief, ainsi que le palais des papes et le pont Saint-Bénézet. Sautent aussi aux yeux les parkings et les toilettes publiques. Aucun plan ne peut montrer, sur le rocher des Doms les pins parasols que le vent a sculptés, dans le camping de la Barthelasse les saules qui pleurent leur sève sur votre livre ouvert ; aucun plan ne peut montrer les torrentielles pluies d’automne et le lendemain le ciel lavé par le mistral, ni les mandarines confites en pyramides dans les vitrines des pâtissiers et le délicieux jus moelleux et poisseux qu’elles libèrent dans la bouche, ni les bonheurs de théâtre dans les minuscules salles sans confort. Aucun plan ne peut, mais celui-là moins que les autres, et Fiordiligi en éprouve une sorte de colère douce. Il y a l’actualité, ce que le plan ne peut montrer, pas parce qu’il a déjà neuf ans, mais parce qu’aucun plan ne peut montrer le malheur des femmes et des hommes qui peuvent se considérer comme oubliés – et ne le sont-ils pas ?

Et puis il y a les visiteurs et leurs souvenirs. Sur leur balcon, Guglielmo et Fiordiligi contemplent le début d’une soirée de printemps. Si je te dis Avignon, tu penses à quoi ? À un rocher, dit Guglielmo, avec des arbres. Et puis ? À l’île de la Barthelasse. Et encore ? À de toutes petites salles de théâtre. C’est donc bien le plan qui a tort, pense Fiordiligi, et elle sourit à son compagnon. Pourquoi tu demandes ? Comme ça.