Définir une frontière comme une ligne imaginaire, ainsi que le font certains dictionnaires, serait vraiment inapproprié. Un méridien est une ligne imaginaire, certes, mais une frontière est une ligne tout ce qu’il y a de plus matérielle, tangible : barrières, bornes, cols de montagne, fils de fer barbelés, fleuves, grande muraille, mers, miradors, murs, océans, sacs de sable…
Le mot frontière ne sera donc pas défini ici. La façon dont les frontières sont dessinées sur les cartes évoque parfois des cicatrices. Certaines, de blessures anciennes et compliquées, d’autres, d’opérations chirurgicales. Ainsi sont celles tracées à la règle sur des cartes du désert par les politiciens colonialistes se partageant le monde comme on partagerait une tarte, le stylo vaut bien un couteau. Et même mieux. Ces frontières sont la cause de blessures mortelles.
Toutes les frontières sont mortelles. Les frontières maritimes, que l’on peut qualifier de « naturelles », et qui souvent séparent pays riches et pays pauvres, sont des lieux d’espoir et de mort. Car c’est pour les pauvres que les frontières sont mortelles.
Pour des gens comme nos héros, les frontières se passent souvent à l’intérieur des aéroports, elles sont matérialisées par les guichets occupés par des policiers, peut-être aussi par les lignes jaunes (car les frontières doivent être des lignes) dessinées (ou plutôt collées) sur le sol un ou deux mètres avant ces guichets, et derrière lesquelles vous vous tenez en attendant que votre prédécesseur ait terminé son conciliabule avec le policier, ou que le policier ait fini de le photographier, de prendre ses empreintes digitales, de passer et repasser le passeport dans le lecteur qui lui donne les informations qu’il lit attentivement et qui désignent ce prédécesseur comme acceptable, bientôt ce sera à vous et vous constaterez encore une fois que vous êtes moins acceptable, que la police s’intéresse davantage à vous, puisque les vérifications seront encore plus longues.
Oui, dit Fiordiligi, c’est vrai. Les vérifications sont toujours plus nombreuses pour moi. Et Guglielmo, qui n’y croyait pas, mais a passé le contrôle de police avec elle à l’aéroport de Philadelphie il n’y a pas si longtemps, ne peut pas dire le contraire. Mais ces policiers des frontières sont aussi les seules personnes au monde qui s’intéressent à mon travail. En tout cas les seules qui me demandent ce que je fais.
Tu te souviens de la route, au Grand Saint-Bernard ? Je crois qu’on en a déjà parlé.
Et, plus tard, elle ajoute. Dans frontière il y a front. La guerre.
Tu penses à Gaza ?
Comment ne pas penser à Gaza ?
Le mot frontière ne sera donc pas défini ici. La façon dont les frontières sont dessinées sur les cartes évoque parfois des cicatrices. Certaines, de blessures anciennes et compliquées, d’autres, d’opérations chirurgicales. Ainsi sont celles tracées à la règle sur des cartes du désert par les politiciens colonialistes se partageant le monde comme on partagerait une tarte, le stylo vaut bien un couteau. Et même mieux. Ces frontières sont la cause de blessures mortelles.
Toutes les frontières sont mortelles. Les frontières maritimes, que l’on peut qualifier de « naturelles », et qui souvent séparent pays riches et pays pauvres, sont des lieux d’espoir et de mort. Car c’est pour les pauvres que les frontières sont mortelles.
Pour des gens comme nos héros, les frontières se passent souvent à l’intérieur des aéroports, elles sont matérialisées par les guichets occupés par des policiers, peut-être aussi par les lignes jaunes (car les frontières doivent être des lignes) dessinées (ou plutôt collées) sur le sol un ou deux mètres avant ces guichets, et derrière lesquelles vous vous tenez en attendant que votre prédécesseur ait terminé son conciliabule avec le policier, ou que le policier ait fini de le photographier, de prendre ses empreintes digitales, de passer et repasser le passeport dans le lecteur qui lui donne les informations qu’il lit attentivement et qui désignent ce prédécesseur comme acceptable, bientôt ce sera à vous et vous constaterez encore une fois que vous êtes moins acceptable, que la police s’intéresse davantage à vous, puisque les vérifications seront encore plus longues.
Oui, dit Fiordiligi, c’est vrai. Les vérifications sont toujours plus nombreuses pour moi. Et Guglielmo, qui n’y croyait pas, mais a passé le contrôle de police avec elle à l’aéroport de Philadelphie il n’y a pas si longtemps, ne peut pas dire le contraire. Mais ces policiers des frontières sont aussi les seules personnes au monde qui s’intéressent à mon travail. En tout cas les seules qui me demandent ce que je fais.
Tu te souviens de la route, au Grand Saint-Bernard ? Je crois qu’on en a déjà parlé.
Et, plus tard, elle ajoute. Dans frontière il y a front. La guerre.
Tu penses à Gaza ?
Comment ne pas penser à Gaza ?
20 juillet 2014
(à suivre)
(à suivre)