Michèle Audin

Un carré de papier glacé, une photographie, ciel bleu, place carrée d’une coquette petite ville allemande, propre et fleurie, parasols, colombages, drapeaux, le titre : « Göttingen, ville universitaire et ville de congrès ». On déplie une première fois, s’offre un grand blabla publicitaire pour cette charmante petite ville, entre, à gauche, le profil statufié d’une jeune fille avec ses oies et, à droite, la fontaine dont cette jeune fille et ses oies sont l’ornement. Déplier une deuxième fois reproduit un carré, deux fois (quatre fois, si c’est la surface que l’on compte) plus grand que le premier, et met en évidence de nouvelles photos, un nouveau blabla (ou peut-être la suite du premier blabla). Ce n’est bien sûr pas ce qu’il fallait faire, déplier cette feuille, il aurait suffi de la retourner sans l’ouvrir.
Car c’est là qu’est le plan lui-même. Il a été imprimé en République fédérale d’Allemagne et en mai 1989. Des espaces vert clair, d’autre vert foncé, des bâtiments rouges, ceux de l’université notamment, d’autres dessinés en jaune, une rivière bleue, qui disparaît pour réapparaître de l’autre côté de la gare, car il y a une gare. Il n’y a ni échelle, ni légende, mais il est vraisemblable que les rues hachurées en bleu sont des rues piétonnières. L’endroit où se trouve la place qui figure sur la photo, avec la fontaine et la gardeuse d’oies, n’est pas complètement évident si l’on regarde seulement le plan.
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Göttingen, Stadt die Wissen schafft – c’est un jeu de mots, en allemand, et un petit fascicule jaune sur lequel quelques traits rouges (et un effet d’ombre) dessinent les profils d’un visage de femme et d’une tête d’oie (encore la Gänseliesel, symbole de la ville). Les autres pages sont hors du champ de cet atlas, nous allons donc directement aux deux pages centrales, qui sont un plan schématique du centre de la ville. Fond jaune, espaces verts, un peu d’eau et des parkings bleus, bâtiments rouges, rues piétonnes vert clair. En bas à droite, près du Neues Rathaus, qui contient les archives municipales, la Sternwarte (observatoire) dans le Gauss Garten. Un peu plus haut le parc « Albani Friedhof » (le cimetière est inclus dans le parc). Il y a une muraille, une université, des églises et, à gauche, une gare avec ses rails blancs et noirs.
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C’est Ferrando qui a envoyé le premier plan à Fiordiligi, après un de ses retours dans cette petite ville, il y a bien longtemps.

Malgré l’absence de date sur le plan jaune, Fiordiligi se souvient parfaitement de l’avoir ramené de sa visite dans cette ville en janvier 2012. Je pourrais te montrer dans lesquelles de ces rues se sont déroulées les grandes parades nazies organisées pour célébrer le bicentenaire de l’université en 1937, dit-elle.
Est-ce la première ville allemande à figurer dans cet atlas ? Mais non, il y a Berlin. Oui, Berlin, c’est différent. Pourquoi n’ai-je pas de plan de Brême, par exemple ? Je me souviens très bien d’être allée à Brême, un mois de juin glacial, je me souviens des massifs de rhododendrons et de la statue des musiciens, l’Allemagne ne me fait pas penser qu’aux nazis – mais j’avais logé chez un collègue, point d’hôtel, point de plan.
Oui, il y a d’autres villes allemandes dans la collection, mais assez peu il faut bien le reconnaître. Tu ne m’as pas beaucoup aidée, ajoute-t-elle. En effet, si Guglielmo a bien ramené des plans de Dazaifu, Fukuoka et Kobé de son récent voyage au Japon, il n’a pas ramené de plan de Bayreuth, où il s’est rendu peu après. Sous prétexte que le plan était moche.
Tu n’as pas compris le principe d’une collection, a dit Fiordiligi. De toute façon, pour Bayreuth, c’était déjà trop tard.

Il y a une Humboldstsrasse, une Keplerstrasse, une Planckstrasse, et même une David Hilbertstrasse. Et Gauss ? Il a son jardin. Et sa tombe dans le parc du cimetière Albani. C’est sans doute là que se trouve la tombe de Gauss. Göttingen ne m’évoque que l’histoire. Et l’histoire, c’est surtout cette gloire scientifique anéantie par les nazis.

Ce n’est sans doute pas complètement vrai. Il y a aussi du Ferrando dans ce que la petite ville évoque à Fiordiligi. Mais pas le Ferrando auquel il lui est le plus facile de penser. Il faudra raconter l’histoire de Fiordiligi et de Ferrando, mais pas à Göttingen.

7 août 2014
(à suivre)

les vélos ont été photographiés devant
la gare de Göttingen
en janvier 2012