Michèle Audin

Tout atlas peut être considéré comme une liste. Un atlas contient toujours des listes, son index par exemple. Le nôtre contient des listes, comme dans les articles précédents. En voici une ébauche de liste (alphabétique, bien sûr):

- la liste des agences du Crédit suisse dans la confédération
- la liste des ambassades dans la capitale
- la liste des articles de l’atlas portant des noms de villes
- la liste des bars de la ville
- la liste de choses à faire (tout doux-liste) avec laquelle Fiordiligi a marché dans cette autre ville
- la liste de choses à faire avant de mourir qu’elle avait dressée et qui contenait « aller à Rome » et comment elle a évité que aller à Rome ne la tue en le remplaçant par « retourner à Rome »
- une liste de coïncidences observées
- la liste des communes de l’agglomération
- la liste des couleurs d’encre utilisées pour écrire ces textes
- la liste des vieilles listes de courses que Fiordiligi avait dans les poches avec le plan en visitant cette ville : lait, yaourt, chocolat+, amandes en poudre, 1 beurre doux, maïzena, Heine, polar, banque, et puis : enveloppes, jus d’orange, café, haricots verts, Max Bruch, banque, et encore : gel douche, semoule, vitres, crackers, banque, fichiers, et oui, elle avait fini par aller à la banque avant de partir
- la liste en perpétuelle évolution d’une partie des erreurs faites en écrivant ces textes
- la liste des dix plus longs fleuves de la planète
- celle des généraux du régiment de Sambre-et-Meuse
- une liste érudite (et poétique !) de toutes les sortes de géométries
- celle des guides touristiques possédés par l’auteur
- la liste des hôtels de la ville
- celle des instituts de sa célèbre université
- l’inévitable liste de j’aime/je n’aime pas que dressa Fiordiligi
- la liste des jours dont il est question dans cet atlas, qui est une sorte de « je me souviens »
- la liste des lieux de culte du onzième arrondissement de Paris, deux synagogues, six églises catholiques plus la Chapelle Italienne, parmi lesquelles Notre-Dame d’Espérance, une laide église des années (mille neuf cent) trente, avec ses sculptures représentant les métiers du meuble, remplacée depuis par une laide église des années (mille neuf cent) quatre-vingt-dix (une opération immobilière juteuse certainement pour l’Église catholique), deux temples réformés et même un temple luthérien, sans parler de la « pagode » du Ba-Ta-Clan
- les liste des lieux intéressants, toutes les villes en ont
- la liste des quatre lignes de métro
- la liste des lignes de vaporetto
- la liste des livres utilisés, cette liste a un nom, c’est la bibliographie
- la liste de tous les magasins El Corte Ingles dans le reste de l’Espagne
- la longue liste de ce qui manque dans cet atlas
- la liste des célèbres monuments de la charmante petite ville
- la liste des mots de la géographie urbaine, de « allées plantées d’arbres » à « usines de traitement des ordures » et « vélos »
- la liste, à composer, de tous les murs, avec le mur de Berlin, son copain le rideau de fer et son cousin le mur de Nicosie, les nombreux murs de la honte, qui permettent aux riches sans vergogne de maintenir les pauvres à distance, parfois à grande échelle, comme pour celui séparant les États-Unis du Mexique, ou le mur israélien ; ceux-là devraient, tels les murailles de Jéricho, s’écrouler, ainsi que les murs anti-émeute que la police installe ici ou là, dans nos villes aussi ; la liste comprendrait aussi le mur de l’Atlantique, qui n’en était pas un, le mur murant Paris (celui des Fermiers-Généraux) qui rendait Paris murmurant mais n’existe plus, les murs emplis d’histoire et ainsi objets de culte, le mur des Fédérés à Paris, celui des Lamentations à Jérusalem, ou encore celui des vétérans de la guerre du Vietnam à Washington ; on y trouverait aussi les murs découverts dans les livres, comme le petit pan de mur jaune de Delft, les murailles de la ville musulmane à Lisbonne, sans parler des murs au sens figuré, le mur suisse qui est une piste de ski, à Avoriaz par exemple, et bien sûr tous les murs des villes, ceux dont dépassent des bougainvillées, du jasmin ou des hibiscus, ceux qui ont la couleur du désert, comme à Ghardaïa ou à même à Jaffa, arrêtons-nous ici
- la liste de musées de la capitale
- les innombrables listes de noms de rues, une au verso de chaque plan
- la liste des différentes façons dont les nombres apparaissent dans l’atlas, incluant le nombre de murs contre lesquels se cogner
- la liste des nuits, qui ont suivi ou précédé les jours
- les listes de numéros de téléphone utiles au verso des plans elles aussi
- la liste des types de feuilles de papier utilisées pour écrire les textes dans lesquelles figurent ou figureront peut-être ces listes
- la liste de ce que les plans ne disent pas
- celle des ponts, ce sera pour une autre fois
- la liste des restaurants
- la liste alphabétique des rues du onzième arrondissement de Paris, qui inclut une liste de voies portant le nom de Voltaire
- la liste de toute les stations de métro de la ville
- la liste des vingt-cinq stations de métro du onzième arrondissement, ici par ordre alphabétique, je suis bien sûre que vous ne trouverez pas tout tous seuls, Alexandre-Dumas, Avron, Bastille, Belleville, Boulets-Montreuil, celle-là a changé de nom et s’appelle rue des Boulets, Bréguet-Sabin, Charonne, huit morts en 1962, Chemin-Vert, Couronnes, là c’est la panique consécutive à un accident de métro et un incendie, qui ont fait quarante morts, en 1903, Faidherbe-Chaligny, Filles-du-Calvaire, Goncourt, Ledru-Rollin, Ménilmontant, Nation, Oberkampf, Parmentier, Père-Lachaise, Philippe-Auguste, République, Richard-Lenoir, Saint-Ambroise, Saint-Maur, Saint-Sébastien-Froissart, Voltaire,
- la liste des stylos utilisés pour écrire cet atlas, à plume, à bille, ou autres, en voici une, chronologique mais sans répétition, stylo à encre bleu nuit, à encre violette, stylo à bille noir, stylo à encre verte, stylo à bille orange, surligneur jaune, stylo à bille rose, bleu, vert foncé, turquoise, marron, rouge, stylo à encre rouge, surligneur bleu turquoise, stylo à bille vert clair, surligneur violet, rose, stylo feutre à bille vert, vert clair, noir, rouge, bleu turquoise, rose, bleu, ce qui colorie le manuscrit de façon plus inattendue que les plans de villes, car il n’y a aucune codification, ni bleu pour l’eau ni vert pour les jardins…
- celle de toutes les Venise, que je vous passe, mais je ne résiste pas à Montargis, Venise du Gâtinais,
- la liste vraiment pas drôle de tout ce que le nom de Vienne évoque à Fiordiligi,
- et encore, les listes des théâtres et cabarets
- la liste des trams
- et même, pour finir cette liste à peu près alphabétique de listes, celle des WC

3 octobre 2014
(à suivre)

image : arrêt du tram
… dans le treizième arrondissement
de Paris